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AdCP : et si la véritable révolution se trouvait hors du programmatique ?
Le lancement récent de l’Ad Context Protocol (AdCP) a secoué notre industrie, déclenchant une vague de débats passionnés.
Ce standard open source, conçu pour permettre aux intelligences artificielles (agents) de dialoguer et de commercer, est la dernière innovation à la mode. La question qui domine les discussions est de savoir s’il s’agit d’une simple évolution ou d’une véritable révolution pour la publicité programmatique.
Mais ce débat, bien que légitime, passe à côté de l’essentiel. En nous focalisant sur son impact sur l’écosystème programmatique existant, nous risquons de manquer la véritable rupture qu’AdCP pourrait engendrer.
L’opportunité la plus excitante ne réside pas dans l’optimisation de ce qui est déjà largement automatisé, mais dans la transformation radicale des pans de notre industrie encore profondément manuels.
Le débat actuel : une vision trop restrictive
Aujourd’hui, les analyses se concentrent sur la capacité d’AdCP à automatiser les tâches en amont de l’enchère en temps réel (RTB) : la prise de brief, la création de deals ID, la négociation des conditions.
Les critiques soulignent, à juste titre, que le cœur du réacteur programmatique – la décision d’achat en millisecondes – reste inchangé. AdCP serait donc une surcouche d’efficacité, une “évolution majeure” certes, mais pas un bouleversement complet.
Cette perspective est correcte, mais limitée. Le véritable “game changer” ne se situe pas là où les machines discutent déjà, mais là où les humains passent encore des heures au téléphone et à échanger des emails.
La vraie rupture : automatiser la publicité offline et les deals garantis
La véritable promesse d’AdCP est de pouvoir enfin apporter l’efficacité de l’au- tomatisation aux médias traditionnels et aux inventaires premium, qui fonctionnent encore largement en gré à gré.
Prenons par exemple l’affichage (OOH), où la lisibilité de l’offre est optimisable pour l’acheteur : les réseaux sont-ils disponibles sur les dates souhaitées ? À quel coût et option ? Le processus actuel est incroyablement chronophage.
Dans une moindre mesure, la TV linéaire pourrait également gagner en productivité. Les régies TV ont déployé depuis de nombreuses années des plateformes servicielles qui permettent de résoudre une partie de l’équation avec la possibilité d’accéder à une partie de l’inventaire et de le réserver.
Cependant la lisibilité de l’offre n’est pas complète, alors qu’elle pourrait être simplifiée et personnalisée, au gré des négociations entre régies et l’agence ou l’annonceur clairement identifié.
Tous ces processus peuvent être davantage industrialisés, nous ratons des opportunités d’optimisation, d’activation, d’apport de valeur ajoutée, tant pour l’acheteur que pour le vendeur et “l’agentisation” de certains processus permettrait de gommer certains biais de nos métiers.
Imaginons maintenant ce processus avec AdCP.
L’agent IA d’une agence pourrait envoyer une requête standardisée à tous les agents IA des régies partenaires : “Je cherche à atteindre cette cible, sur cette période, avec ce budget avec telle ou telle contrainte de contexte ou de format. Quelles sont vos disponibilités et vos tarifs ?”.
En quelques instants, l’agence recevrait des propositions structurées, comparables et prêtes à être analysées. Le gain d’efficacité serait colossal pour les deux parties, libérant un temps, précieux pour des tâches à plus forte valeur ajoutée : la stratégie et le conseil.
Ce modèle, bien sûr, n’exclut pas l’humain. Au contraire, il le valorise en le positionnant là où il est indispensable. Le concept de “Human in the Loop” est central : l’IA propose, optimise, mais c’est le professionnel qui valide, arbitre et prend la décision finale.
Une opportunité pour le “programmatique garanti” et la vidéo premium
Cette logique s’applique tout aussi bien aux modes d’achat digitaux qui ne reposent pas sur le RTB, à savoir une décision en temps réel basée sur une donnée disponible par l’acheteur programmatique.
Le gré à gré ou le programmatique garanti sont des inventaires priorisés dans l’adserver de la régie, après négociation et échange entre acheteur et vendeur, donc des processus manuels également optimisables, tout comme dans les cas offline évoqués plus haut.
Aujourd’hui, la mise en place de ces campagnes premium nécessite encore de nombreuses étapes manuelles. AdCP offre un cadre idéal pour standardiser et automatiser ces négociations, apportant la fluidité du programmatique à des inventaires qui en étaient jusqu’ici exclus.
Elargissons la perspective
L’Ad Context Protocol est bien plus qu’un simple outil d’optimisation pour le programmatique. C’est une chance unique de construire des ponts entre le monde digital et les médias traditionnels, d’apporter une efficacité radicale là où elle fait le plus défaut.
Plutôt que de nous limiter à débattre de son impact sur un écosystème déjà mature, nous devrions collectivement explorer comment ce protocole peut révolutionner des marchés qui représentent encore une part considérable des investissements publicitaires.
La véritable révolution AdCP ne se jouera pas dans l’infiniment petit de la milliseconde, mais dans la simplification et l’automatisation de processus jusqu’ici complexes et manuels. C’est là que se trouve la véritable opportunité à saisir.
Olivier Lavecot est head of data et adtech de Values.media