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Antoine Genot (Pernod Ricard) : "Un outil de mesure, aussi puissant soit-il, ne sert à rien s’il ne pèse pas dans la décision"

En amont de l'événement Marketing Effectiveness Innovators, qui se tiendra le 30 septembre prochain, Open Garden interroge plusieurs expert(e)s marketing et médias sur leurs enjeux en matière de mesure et ce qu’ils ont entrepris pour aller encore plus loin sur le sujet. Nous commençons cette série avec Antoine Genot, global marketing performance director chez Pernod Ricard.
Open Garden. Quel est, selon vous, le sujet que l’on néglige trop souvent lorsqu’on parle de mesure de l’efficacité marketing ?
Antoine Genot (Pernod Ricard). Je trouve que l’on se concentre trop souvent sur les moyens et les outils, en oubliant d’aborder l’étape d’après : comment ils s’inscrivent dans un processus de prise de décision et comment ils vont avoir, ce faisant, de l’impact sur le business.
Si on prend l’exemple d’une solution de marketing mix modeling (MMM) dont beaucoup d’entreprises s’équipent aujourd’hui, cela revient à se poser la question de comment le CMO va en partager les résultats auprès du CFO et comment le codir va prendre en compte ces derniers, pour orienter les décisions dans le bon sens.
Sans cela, c’est très compliqué pour un outil d’avoir un impact sur le P&L. Je donne l’exemple du MMM mais ça vaut pour tous les outils de mesure qui, aussi pointus soient-ils, vont prendre la poussière si l’on ne se pose pas ces questions d’emblée.
Quelles sont les “best practices” pour que ces outils s’inscrivent dans des processus de décision ?
Il y a évidemment un sujet d’adoption du côté des équipes. Adoption qui passe par un processus de co-construction avec les concernés, d’awareness au lancement puis d’évangélisation, au quotidien. Ce KPI du taux d’adoption est un KPI que nous suivons de près. L’acculturation est indispensable, surtout dans un contexte de turnover qui est généralement assez élevé, comme c’est le cas chez beaucoup d’équipes marketing.
Et puis il y a aussi le sujet de la gouvernance. Il faut utiliser des outils dans lesquels le comex ou votre CFO ont confiance. Ce qui implique que les collaborateurs associés au projet soient le plus senior possible mais aussi que les résultats remontés parlent aux plus hautes sphères de l’entreprise.
C’est l’avantage du MMM : c’est l’outil de mesure le plus holistique, car on peut y intégrer quasiment tout, et c’est aussi un outil “high level” : on parle de ROI sur le business, de ventes incrémentales. Et puis c’est tangible. Nous sommes par exemple capables, grâce à notre outil Matrix, de dire que “telle campagne a généré X millions d’euros de ventes supplémentaires avec un ROI de tant”.
C’est un langage que le CFO comprend. Il le comprend d’autant mieux que - c’est un peu la bonne surprise - le MMM permet de générer du ROI de manière continue. On pourrait penser qu’on gagne X% de ROI la première année, grâce à la mise en place de “best practices”, puis que ça se tasse. Mais ce n’est pas le cas.
Parce que les habitudes de consommation changent perpétuellement, qu’on a besoin d’ajouter de nouvelles plateformes, comme nous le faisons avec TikTok, ou de rajouter de nouveaux paramètres. En bref, que le contexte dans lequel s’inscrit le marketing évolue en permanence.
Vous parlez de nouveaux paramètres à rajouter. En avez-vous en tête en ce moment ?
L’un des gros sujets du moment, c’est l’impact des assets créatifs dans la performance. C’est un paramètre que nous voulons absolument intégrer. Notamment parce que nous voulons, comme beaucoup d’entreprises de notre taille, optimiser le “non working media”.
C'est-à-dire le ratio entre les frais de créations publicitaires et les frais liés au médiaplanning, un ratio qui fait partie des indicateurs phares en matière d’efficacité marketing.
Comment ?
En faisant en sorte de développer plus de “blockbusters” assets, des assets qui cartonnent et que nous déclinerions, dans différentes séquences, différents formats, via l’IA générative.
C’est, par exemple, avoir une seule campagne de marque que l’on décline de manière intelligente pendant trois ans, plutôt que 10 grosses campagnes différentes sur la même période.
N’y-a-t-il pas un risque de susciter de l’ad fatigue en procédant de la sorte ?
Évidemment que si vous matraquez 10 fois la même publicité sur une journée, voire quelques jours, c’est contre-productif. En revanche, Matrix a permis de démontrer qu’une vague 3 ou 4 d’une campagne média va être beaucoup plus efficace qu’une vague 1, notamment grâce à l’effet rémanence.
Quels sont aujourd’hui vos enjeux concernant Matrix ?
Le premier, c’est de contextualiser un peu mieux la notion de ROI que j’évoquais. C’est, en l’état, un KPI absolu : il est positif ou négatif. Sauf qu’un ROI négatif n’a pas la même valeur selon qu’il soit réalisé dans un marché en croissance ou en décroissance, comme c’est malheureusement actuellement le cas de pas mal de secteurs.
Il faut intégrer une notion de part de marché pour relativiser un ROI négatif ou être en capacité de dire que, sans l’outil, ce ROI aurait pu être encore plus mauvais, dans les standards du reste du marché.
Le second, c’est d’être plus granulaire dans les recommandations. L’outil me dit aujourd’hui que je dois mettre tant d’euros sur Meta, tant en CTV, tant en search. Mais il y a mille façons de dépenser ces montants et autant de façons de se planter.
Est-ce qu’il faut faire une seule vague d’un million, quitte à saturer à un moment, ou est-ce qu’il vaut mieux en faire 4 de 250 000, avec le risque de flirter avec les seuils en dessous desquels il est dur d’émerger ?
Nous avons besoin que le MMM devienne un outil de médiaplanning qui calibre l’exécution du plan média de manière plus fine (combien de vagues, à quel moment) en fonction de la maturité de chaque marque. Matrix peut nous le permettre, en s’appuyant sur un historique de plusieurs milliers de campagnes dans 13 pays et pour plus de 10 marques.