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Back Market et ManoMano face aux LLM : l’e-commerce entre dans l’ère des agents

Et si la prochaine révolution de l’e-commerce ne venait pas d’un canal mais d’un nouveau type d’intermédiaire ? L’apparition des LLM dans les parcours d’achat transforme déjà les codes du SEO, bouleverse la façon dont les produits sont découverts et redéfinit le rôle des moteurs de recherche. Google teste désormais ses AI Overviews à grande échelle et intègre progressivement son AI Mode, tandis que des assistants comme ChatGPT ou Perplexity annoncent vouloir carrément devenir des interfaces d’achat. 

Dans ce nouveau paysage, des acteurs e-commerce comme Back Market et ManoMano ont saisi l’enjeu : il ne s’agit plus seulement d’optimiser son catalogue pour les humains, mais de le rendre lisible par des modèles d’IA, quand bien même le trafic généré par ces derniers reste encore très faible (voir notre tuto vidéo pour le mesurer)

Quel trafic et pour quel taux de conversion ?

On parle d’à peine 0,5% chez ManoMano et 0,2% chez Back Market. Mais il croît vite, très vite à en croire Céline Mazouffre, head of SEO chez Back Market. “Le volume de sessions a été multiplié par 470 entre août 2024 et avril 2025.” Une explosion qui, pas plus chez Back Market que chez ManoMano, ne se fait pour l’instant au détriment du trafic apporté par le moteur de Google. Une croissante qui est désormais suffisante pour inciter le duo à s’y intéresser de plus près. “Nous nous y sommes mis sérieusement depuis le début de l’année 2025”, précise Céline Mazouffre. 

Côté Back Market, l’essentiel du trafic amené par les LLM provient de ChatGPT. Et, petite surprise, il concerne surtout des pages transactionnelles, autrement dit des fiches produits. “On pensait que le trafic serait surtout informationnel, qu’il concernerait la homepage ou des guides, ce n’est pas le cas”, observe Céline Mazouffre. 

Côté Pierre Bruat, head of SEO chez ManoMano,, même constat : “Les visites provenant de ChatGPT atterrissent essentiellement sur des listings ou fiches produits”. Cependant Pierre remarque qu’aux côtés de l’incontournable ChatGPT, le trafic généré par le format AI Overviews est “non négligeable” au Royaume-Uni, en Allemagne et en Italie. “Il concerne, en revanche, plutôt du trafic upper funnel, très informatif.”

Quelle est la qualité de ce trafic, alors qu’un acteur comme Google assure que son format AI Overviews envoie peut-être moins de trafic que son moteur de recherche mais que c’est du trafic de qualité, car les utilisateurs sont plus engagés. Céline Mazouffre pressent que c’est bien le cas, notamment parce que les requêtes sont souvent moins génériques. “Un utilisateur Google atterrit souvent sur le site après une requête type “iPhone 14”, là où un utilisateur de ChatGPT ou Gemini arrive après une requête beaucoup plus élaborée”, illustre-t-elle. 

Pierre Bruat a, côté ManoMano, un peu plus de certitudes puisqu’il observe déjà des commandes réalisées auprès de 10 000 visites quotidiennes que lui apportent les LLM sur ses 5 marchés, avec un taux de conversion plus élevé que ce que nous aurions pu imaginer. ”.

Comment optimiser sa visibilité au sein des LLM ?

Les LLM s’appuient, à l’instar de Google, sur des bots qui crawlent le Web plus ou moins régulièrement. Celui d’Open AI répond, par exemple, au doux nom de “OAI-SearchBot” et il est fortement conseillé de vous assurer qu’il n’est pas bloqué par votre fichier robots.txt. Pas plus OAI-SearchBot que ses petits congénères ne comprennent le javascript (contrairement aux robots de Google).

“Si votre site dépend uniquement du javascript pour afficher le contenu, alors les robots d’OpenAI ne verront rien. Vous avez absolument besoin d’un bon SSR (server-side rendering ou pre-rendering, nldr)”, précise Pierre Bruat.

Vous pouvez aussi décider de concevoir une page répondant aux exigences des robots ET une autre qui répond à celle de vos utilisateurs humains. “On ne peut pas le faire en SEO puisque Google pénalise cette pratique appelée cloaking. Cela ne semble pas être le cas en GEO (generative engine optimization, ndlr)”, précise Céline Mazouffre.

A noter que certains sites e-commerce ont, en complément du fichier robots.txt, décidé de proposer un llm.txt, à la racine de leur site, même si, comme le rappelle Maxime Guernion, head of SEO chez Havas Market, rien n’indique à ce stade que les principales IA en tiennent compte. 

Puisqu’on parle de bots qui sont conçus pour absorber et traiter l’information le plus rapidement possible, le maître mot, c’est évidemment la webperf. “Ces bots privilégient les sites à chargement rapide, optimisés pour les machines plutôt que pour les lecteurs humains”, annonçait Ellen Mamedov, la patronne du SEO chez Mailchimp, au Wall Street Journal.

Une analyse que Céline Mazouffre nuance un poil en rappelant que “la webperf est un enjeu pour tout le monde, les bots comme les humains, et que la rapidité du chargement des pages reste cruciale quoi qu’il arrive.” 

Nos deux experts notent, en revanche, qu’il y a un peu de changement entre SEO et GEO, en ce qui concerne ce qui fait l’autorité d’un site. “On passe d’un Internet de liens à un Internet de mention”, observe Céline Mazouffre. 

Comprendre que c’est moins le nombre de backlinks qui envoie vers votre site qui aura du poids, que le nombre de fois que ce dernier est mentionné par des sources (notamment la presse). “Ça va sans doute inciter toutes ces marques qui avaient délaissé le haut du funnel à réinvestir dans de la pub classique, des opérations RP ou d’influence”, prédit Pierre Bruat. 

Ce qui change aussi c’est la nature du contenu qui doit être mis en avant sur le site alors que, de l’aveu général, on ne recherche pas sur les LLM comme on recherche sur Google. Avec, dans le premier cas de figure, des questions, parfois même formulées en langage naturel, et de l’autre, de simples mots-clés.

Une approche qui implique de raisonner en “personnas”, pour savoir quelles sont les typologies de visiteurs et quelles sont leurs attentes. “Par exemple, un utilisateur qui vous dit qu’il recherche un téléphone pour sa grand-mère, laquelle en aura plutôt telle ou telle utilisation”, illustre Céline Mazouffre. 

Une approche que Back Market a, de par son ADN, déjà mise en place. “Nous ne sommes pas Apple, qui vend des iPhone sur la base de descriptifs techniques. Nous voulons faire du contenu utile, qui répond aux interrogations de nos utilisateurs”, témoigne Céline Mazouffre.

“ L’émergence des LLM rend le Product Information Management (PIM) plus stratégique que jamais pour les e-commerçants, qui doivent désormais structurer leurs données produits pour qu’elles soient interprétables par les intelligences artificielles », explique Pierre Bruat.

Son objectif : faire comprendre aux LLMs que son site, spécialisé dans le DIY (Do It Yourself), maîtrise parfaitement son catalogue et les besoins de ses clients. “ L’enjeu, poursuit-il, c’est de renforcer la segmentation de notre offre selon des personas définis par l’usage, le budget ou encore le niveau d’expertise.”

Une fois ces personnas établies, encore faut-il comprendre comment ils recherchent. A défaut de pouvoir s’appuyer sur des FAQ, comme sur Google, ManoMano travaille sa data 1st party. “Une bonne partie de nos clients interrogent directement nos manodvisors”, révèle Pierre Bruat, qui prévoit également d’introduire des avis utilisateurs (dont les LLM sont très friands) et des formats Q&A à chaque fiche produit (chose qu’un acteur comme Amazon a déjà industrialisé).

“La bonne nouvelle, c’est que Google comme les LLM semblent friands des mêmes types de contenus”, conclut Céline Mazouffre. “Créer une marque, segmenter son offre, penser personna, c’est le BA.ba du marketing”, rappelle Pierre Bruat. Même s’il faudra sans doute changer de “focale”.

“Plus que le suivi du trafic organique, c’est le suivi du chiffre d’affaires qui vous permettra de savoir si vos efforts ont porté leurs fruits”, prédit Céline Mazouffre. De ce point de vue, un vrai changement de paradigme pour les spécialistes du SEO.

A quand des flux shopping branchés entre le site e-commerce et le LLM ?

Alors que ChatGPT introduit d’ores et déjà des recommandations de produit au sein de son interface, nos e-commerçants tâtonnent un peu sur le sujet. “On n’a pas encore la recette pour optimiser notre présence là-dessus, même si l’outil semble s’appuyer sur les feeds Shopping de Bing et de Google”, explique Céline Mazouffre. 

L’experte précise aussi s’être inscrite à la landing page mise sur pied par OpenAI pour être informée de l'ouverture des soumissions de flux produits, comme c’est déjà le cas sur Google Shopping. “On reste en alerte, c’est évidemment que l’on y viendra. Il semblerait même que ChatGPT ait déjà accès à nos flux shopping donc à suivre.”, abonde Pierre Bruat.  

Pas question pour autant de se pencher (pour l’instant) sur la mise en place de serveur MCP ou de réfléchir à des protocole A2A (agent-to-agent) tel que celui établi par Google, pour faciliter les communications entre les agents des LLM et les agents des sites e-commerce. “Le niveau d’adoption est, à l’échelle du grand public, encore beaucoup trop bas pour en faire une priorité”, temporise Pierre Bruat. 

“Peut-être qu’un jour il faudra réfléchir à une version front pour les humains, une version back pour les agents, mais tout ça est très hypothétique”, poursuit l’expert. “On surfe la vague mais le gros du chiffre d’affaires, c’est Google, rappelle, de son côté, Céline Mazouffre. Laquelle se dit plutôt sereine quant aux impacts des agents sur l’e-commerce. 

“Dans un environnement où les LLM répondent directement aux besoins des utilisateurs, les sites e-commerce qui misent uniquement sur les basiques (prix, livraison gratuite, retours faciles) risquent d’avoir plus de difficultés à générer du trafic. À l’inverse, les marques qui portent des valeurs fortes – comme c’est le cas de Back Market – ont probablement plus de chances de se différencier.”