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Corinne Mrejen (SRI) : "Il est crucial d'éviter la fragmentation de l'écosystème, comme cela s'est produit avec l'Open Web, et de défendre les Safe Gardens"

Open Garden. Les sites de la catégorie “édition et infos” voient leurs revenus display chuter de 5% au premier semestre 2025 ? Y-a-t-il encore des motifs d’espoir ?

Corinne Mrejen. La publicité digitale continue de croître malgré un contexte économique tendu. C'est une excellente nouvelle, car cela prouve son efficacité et son rôle moteur dans le marché publicitaire.

Cependant, la publicité digitale s'est concentrée sur le reach immédiat et le bas de funnel, fortement influencé par les grands acteurs mondiaux. Cela a changé les pratiques médias et pénalisé la catégorie “édition et infos” qui est traditionnellement perçue comme celle de médias de branding, axés sur le haut de funnel. Pourtant les sites “édition et infos” proposent également des solutions “bas de funnel”, comme le content to commerce.

Il est crucial de ne pas choisir entre le court terme et le long terme, mais de combiner les deux dans une stratégie full funnel. Cela assure à la fois une performance immédiate et une construction durable de la marque. Travailler ces deux niveaux simultanément permet de générer de la singularité, de la préférence et donc un acte d’achat.

Au SRI, nous développons le concept de Safe Garden pour distinguer les acteurs de l'Open Web qui offrent des contenus responsables et premium. Les Safe Gardens créent des environnements plus sûrs pour les marques, en termes de sécurité, de transparence et de responsabilité.

Nous savons que notre chaîne de valeur est trop fragmentée. Notre enjeu, valoriser davantage nos atouts – valeur de marque, expertise éditoriale, diversité, sur-mesure, relation directe – pour gagner en lisibilité, simplicité, et traçabilité.

Enfin, il y a encore des opportunités à saisir. Le social publishing est un levier de croissance prometteur, tout comme les alliances avec le retail media et la CTV.

Comment expliquez-vous la hype CTV ? Les médias hors Bvod peuvent-ils s’y greffer ?

La CTV est devenue une réalité majeure, représentant désormais la moitié de la vidéo display avec une croissance significative de +35% depuis 2024 et plus de 80% depuis 2023. C’est la tendance à suivre. Elle combine les avantages de la TV (grand écran, attention) et du numérique (ciblage, mesure).

Cette croissance est due au succès des plateformes de streaming, au déplacement des usages TV vers des contenus délinéarisés, et à l'augmentation des équipements TV connectée. C’est un nouveau territoire d’innovation éditoriale et publicitaire avec une longueur d’avance prise par les acteurs qui ont déjà des contenus adaptés au “big screen”.

L’enjeu pour les éditeurs, notamment de la catégorie “édition et infos”, est multiple : investir dans cette transformation, développer et adapter les contenus pour le grand écran (chaînes FAST, nouveaux formats), choisir les bons partenaires de diffusion et trouver des leviers de monétisation durables.

Il est crucial d'éviter la fragmentation et l'opacité de l'écosystème, comme cela s'est produit avec l'Open Web, et de défendre les Safe Gardens pour maintenir la valeur des marques médiatiques.

Pourquoi est-il important de rappeler les conséquences de la restriction du ciblage publicitaire pour les éditeurs numériques, comme vous le faites à l’occasion de cet Observatoire ?

 Nous sommes dans un contexte particulier, la publicité et le digital sont souvent évoqués comme le pire des maux … Pourtant, notre activité est particulièrement bien réglementée. Le projet de Digital Fairness Act en Europe remet sur la table le sujet de la personnalisation publicitaire et menace nos modèles économiques.

Oliver Wyman estime que l’interdiction de la personnalisation publicitaire pourrait conduire à une baisse des revenus publicitaires digitaux des éditeurs numériques de l’ordre de 30% à 45%. Or, défendre notre modèle économique, c’est défendre l’accès aux contenus pour le plus grand nombre.

Rappelons que n’importe quel type de publicité (on et off) est par nature ciblée. Aucun annonceur, n’envoie de publicité sans avoir au préalable défini sa cible et déterminé sa légitimité. La personnalisation est au cœur de la publicité, et même si elle implique souvent l'utilisation de données personnelles, elle respecte les réglementations en matière de confidentialité grâce aux CMP et aux demandes de consentement.

Pour certains éditeurs, le paywall est aussi un outil de pédagogie pour souligner que les contenus ne peuvent pas être gratuits (il y a des rédacteurs, des journalistes, des outils tech, …). Le tout gratuit sur internet sans contrepartie publicitaire ou abonnement est un malentendu qui persiste.

Les traceurs publicitaires sont essentiels pour mesurer l'efficacité des campagnes (impressions, gestion de la répétition). Sans eux, les éditeurs perdent en visibilité et en efficacité, ce qui conduit à un gaspillage publicitaire et augmente l'empreinte carbone.

Il est crucial d'expliquer aux institutions et aux internautes que ces outils sont nécessaires pour maintenir un modèle économique viable qui permet l'accès à des contenus de qualité à moindre coût pour le public.