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CTV Washing, gare au mirage !
2025 touche bientôt à sa fin, et s’il y a bien deux buzzwords qui auront marqué l’année, ce sont incontestablement “IA” et “CTV”.
L’IA, tout le monde en parle, mais quand on creuse, on constate finalement assez peu de changements. Un head of trading me partageait d’ailleurs une très bonne blague : “La seule révolution IA en 2025, c’est qu’on a enfin un support efficace dans DV360.”
La CTV… C’est autre chose. C’est déjà beaucoup plus concret puisque, selon le SRI, la CTV pèse déjà 320 millions d’euros d’investissements au premier semestre 2025 (la moitié du marché “Display Vidéo”), avec une croissance annuelle pharaonique, de 35%.
L’engouement pour la CTV est tel que certains annonceurs n’hésitent plus à concentrer leurs investissements vidéo en CTV. Pour eux, la promesse de la CTV est irrésistible :
Un reach incroyable : 84 % des téléviseurs des foyers français sont connectés à Internet
Une immersion maximale grâce à des formats fullscreen sur un grand écran HD, souvent non skippables et avec le son activé par défaut (le graal de l’Attention)
Des données de ciblage logguées et toujours plus fines
Un inventaire de qualité
Un prix qui permet de maximiser son ROAS
Un cocktail supposément imbattable !
Mais est-ce bien vrai ? Est-ce que toutes les expériences CTV se valent vraiment ? Creusons ensemble ces différents points.
Petit rappel : la CTV, c’est quoi exactement ?
La CTV (connected TV) désigne communément dans notre industrie les investissements publicitaires réalisés sur les téléviseurs connectés à Internet, hors flux direct des chaînes de télévision.
Et au sein de l’univers CTV, il existe différents types d’inventaires publicitaires :
AVOD (advertising-VOD) = les plateformes en accès libre qui se rémunèrent via la publicité : YouTube, Rakuten, Pluto, les chaînes FAST
SVOD (subscription VOD) = les plateformes vidéo avec abonnement : Netflix, Amazon Prime, Disney+, HBO Max, Paramount+, etc.
BVOD (Broadcaster VOD) = les applications des diffuseurs : TF1+, M6+, France TV, Arte, Canal, Bein etc.
Quel est le poids des différents types de plateformes ?
Il n’y a pas de chiffres officiels concernant la répartition des investissements et du temps passé par plateforme sur la CTV spécifiquement.
Mais on peut avoir des estimations assez réalistes en s’intéressant aux « inventaires VOD compatibles CTV » sur lesquels on dispose de données à la fois du SRI et de l’Arcom.
État des lieux de la VOD compatible CTV en 2025 :
Catégories | Temps moyen passé par jour (source Arcom) | Répartition des investissements (source SRI) |
SVOD | 40 min | 11 % |
AVOD (+ FAST) | 25 min | 55 % |
BVOD | 37 min | 34 % |
TOTAL | 102 min | 100 % |
On observe un décalage important entre le temps passé par catégorie de plateformes et la part des investissements publicitaires captés par chacune.
Mais comment expliquer ce décalage ?
1. La taille de l’inventaire publicitaire diffère entre les plateformes
La taille de l’inventaire publicitaire disponible dépend de plusieurs facteurs :
le temps passé par l’utilisateur sur l’application → la SVOD/BVOD accaparent 77 minutes de temps passé, mais partagées entre plusieurs acteurs, là où les 25 minutes d’AVOD sont très majoritairement concentrées sur YouTube ;
le nombre de minutes de publicité par heure de visionnage → les acteurs de la SVOD semblent se limiter à 2-3 prerolls par heure, là où YouTube, qui se finance principalement via la publicité, est moins scrupuleux à augmenter son ratio [minutes de pub/heure] (pas de chiffres officiels de la part de YouTube, mais on en fait souvent l’expérience en tant qu’utilisateur).
2. L’expérience immersive
Les inventaires de CTV ont cela en commun : ils proposent tous des formats vidéo fullscreen, HD (si la vidéo est bien uploadée en HD) et avec le son activé par défaut.
Mais pour ce qui est de l’Attention réellement générée, elle dépend de la configuration des coupures publicitaires.
On a tendance à l’oublier dans le monde de la publicité, mais la publicité irrite souvent les utilisateurs.
Plus la pub est intrusive (comme une vidéo fullscreen sur un écran télé), plus l’utilisateur va calculer dans sa tête son rapport bénéfice/risque : « J’attends la fin de la pub… ou est-ce que j’ai le temps de faire autre chose (comme scroller sur mon smartphone, par exemple) ? »
Sur la SVOD, les coupures pubs étant très courtes, l’utilisateur a moins tendance à sortir son smartphone.
Par contre, sur la BVOD ou le FAST, vous en avez sûrement fait l’expérience : en lançant un programme phare, vous savez qu’un long tunnel de pubs vous attend ! Et c’est souvent pile le moment où les utilisateurs choisissent de sortir leur smartphone.
YouTube, qui a pourtant un ratio [minutes pub/heure] assez élevé, a été malin en privilégiant plusieurs petites coupures. Le seul risque en termes d’Attention sur cet inventaire, ce sont toutes les vidéos mises en fond sonore (ex. chaînes de podcasts et musique), où les publicités sont écoutées mais pas forcément vues. À bien prendre en compte lors du set-up.
3. Des capacités de ciblage… variables selon les plateformes
YouTube : Google déverse ses milliers de segments d’audience gratuits dans la plateforme. Comme il s’agit d’une plateforme UGC, le ciblage contextuel est également une grande force.
Amazon Prime : séduit les marques grâce à sa retail data, une mine d’or pour relier exposition publicitaire et intention/acte d’achat.
Broadcasters (TF1 PUB, M6 Unlimited, France Télévisions) : leurs First Party Data, limitées aux données sociodémographiques et de visionnage, sont enrichies via des partenariats avec des alliances de retailers (Unlimitail, Infinity Advertising, Valiuz) et des data providers.
Netflix, Disney+ et autres plateformes AVOD (Rakuten TV, Pluto TV, Samsung Ads, Molotov) : reposent essentiellement sur leurs données de visionnage, puissantes mais moins diversifiées que celles des géants du search ou du retail.
4. La qualité
Sur la BVOD, SVOD, les inventaires sont très liés aux programmes phares : il y a finalement peu de problèmes de brand safety (sauf peut-être sur certains contenus comme la téléréalité).
Sur l’AVOD, la situation est différente. Prenons YouTube :
Des chaînes premium avec de gros moyens de production (ex. Léna Situations, Hugo Décrypte, Squeezie, Tibo InShape, etc.), générant d’importants volumes de vues et rassurant les annonceurs.
Une longue traîne infinie de contenus de niche, permettant d’aller chercher des audiences très précises (ex. tests produits), mais avec des risques.
Certains inventaires brouillent les ciblages (ex. un ciblage « intentionniste auto » qui diffuse… sur du contenu enfant). Certains contenus semblent suspects (probablement générés par IA) et d’autres sont carrément unsafes pour les marques (ex. chaînes de vidéos médicales répulsives, désinformation, contenu religieux, etc.).
YouTube est un mini-open web dans lequel le métier de trader a donc encore toute sa valeur.
5. Le prix
Dernier point, et non des moindres : le prix. On peut proposer le meilleur format dans le meilleur contexte, si le prix est surréaliste, ce sera la douche froide pour les annonceurs.
Et… c’est un peu le cas en CTV : on constate de grands écarts de prix pour un même format :
YouTube tire les prix vers le bas : le CPM moyen oscille entre 4 € et 10 €, selon la complexité du set-up
La BVOD oscille plutôt entre 10 € et 20 € (avec des surcouches de coûts pour les ciblages data fournis par des tiers)
La SVOD peut monter à +30 €…
Pour un même format, les prix peuvent être multipliés par 7 d’une plateforme à l’autre.
Conclusion
Pour un même format vidéo homogène (vidéo fullscreen son activé), on constate que les propositions de valeur des acteurs de la CTV sont finalement assez hétérogènes.
YouTube accapare seul quasiment la moitié des investissements VOD en ligne, grâce à un package très intelligent : immense volume de visiteurs / nombreuses coupures courtes / ciblage audience + contextuel très poussé / prix qui écrase la concurrence.
La SVOD (notamment Netflix & Disney+) capte la plus grande partie du temps passé par les internautes et propose des coupures courtes qui retiennent l’Attention, mais a beaucoup plus de mal à générer de l’inventaire publicitaire et à offrir des bundles Data granulaire + Media à un prix compétitif.
La BVOD capte également une large part du temps passé et noue des partenariats stratégiques autour du ciblage, mais souffre des tunnels publicitaires qui dégradent l’expérience et du fait que YouTube tire les prix vers le bas.
Face à ce constat, de plus en plus d’annonceurs adoptent une stratégie d’investissement similaires sur leurs investissements vidéo :
1. d’abord je sature Youtube
2. j’achète la BVOD en package avec mes inventaires télé linéaires
3. s’il reste du budget j’investis en SVOD
4. s’il reste encore du budget, j’investis en OpenWeb.
Mais cette approche CTV only / CTV First masque une autre réalité : le device qui :
a le meilleur taux d’adoption,
est unique et intime à chaque utilisateur,
est plébiscité par les utilisateurs lorsqu’ils sont dans les transports, une salle d’attente, au bord de la piscine, à la machine à café, aux toilettes sur leur canapé devant un tunnel de pubs télé, bref, dès qu’ils ont un ratio bénéfice/risque « je m’ennuie / ai-je le temps de faire autre chose ? » positif ?
propose le plus d’opportunités publicitaires,
Ce n'est pas la CTV… c’est le smartphone !
Une stratégie VOL 100 % CTV, c’est croire qu’on a capté l’Attention des utilisateurs, alors qu’elle a déjà basculé ailleurs !
Un bon investissement est un investissement diversifié. Une stratégie CTV + Smartphone semble donc être la meilleure approche pour contrôler au mieux son ROAS (Return on Ad Spend).