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Eric Boyer (Cospirit) : “Nous n’avons pas à rougir face au Big 6 en matière de savoir-faire digital mais pouvons vraiment nous améliorer sur le faire-savoir”

CoSpirit muscle son jeu digital avec l’arrivée de Clément Coutel, ex-Publicis, au poste nouvellement créé de directeur de la stratégie digitale. Objectif : mieux structurer, incarner et valoriser une expertise que le groupe maîtrise déjà… mais sur laquelle il communique trop peu.
Dans cet entretien croisé, Éric Boyer, DG du groupe, et Clément Coutel reviennent sur les ambitions de cette nomination, le positionnement singulier de CoSpirit face aux géants du marché et les leviers qu’ils entendent activer pour passer à la vitesse supérieure.
Open Garden. Vous annoncez le recrutement de Clément Coutel en tant que directeur de la stratégie digitale. Pourquoi une telle création de poste ?
Eric Boyer. Tout simplement parce que nous voulons renforcer la notoriété et l’attractivité de CoSpirit en tant qu’acteur référent du digital. La réalité, c’est que nous faisons plein de choses pointues en matière de digital et de data mais que nous les racontons très mal, voire ne les racontons pas assez.
Ce n’est pas moi qui le dis mais Jess Bradley, chief data officer du réseau Local Planet, qui est récemment venue chez nous pour procéder à un état des lieux. Avec comme principal enseignement que nous n’avions pas à rougir de la comparaison avec le Big 6 sur le “savoir-faire” mais que nous avions une belle marge de progression sur le “faire-savoir”.
Ce sera l’une des prérogatives de Clément : raconter tout cela, notamment lors des appels d’offres, au cours desquels la partie digitale est souvent importante et impose d’avoir une tête de pont, comme c’est le cas chez le Big 6. Montrer qu’on est à la page, qu’on maîtrise bien les enjeux digitaux de ces prospects.
Est-ce que vous pouvez me partager des exemples de “choses pointues” que vous faites sur le digital ?
Eric Boyer. Il y en a plein ! Nous avons accompagné Cora dans l’arrêt du catalogue papier, en réinvestissant tout ce budget dans du média local et du digital, en internalisant une bonne partie de ce dernier chez nous, avec des performances qui étaient au rendez-vous. Nous sommes d’ailleurs un des rares groupes médias à investir moins de 50% de nos budgets chez les GAMAM, sans pour autant sacrifier à la performance.
Nous avons aussi créé notre propre data warehouse pour “ranger” toutes nos données internes, automatiser les flux entre nos logiciels et les présenter dans notre outil de Dataviz, Cockpit. Nous avons également développé notre propre outil pour gérer les nomenclatures des campagnes digitales afin de les travailler dans une logique de base de données, et de constituer un benchmark précis. Autant de projets dont nous ne parlons pas forcément
Nous avons une équipe digitale composée d’une cinquantaine de personnes, qui a été montée et est dirigée par notre directeur du digital, Guillaume Herbiet, qui fait preuve d’un niveau de qualité opérationnelle assez rare sur le marché. Mais nous avions besoin de quelqu’un pour passer à l’étape d’après et notamment mettre en place une véritable feuille de route innovation sur le digital.
C’est-à-dire ?
Eric Boyer. L’enjeu, c’est d’être capable de prioriser les sujets et de les déployer auprès des clients pour lesquels c’est pertinent. Qu’il s’agisse de développer des technologies comme la data clean room ou le custom bidding, où nous n’avons pas encore pu aller au bout des choses, ou de nouveaux acteurs, comme Greyfox Ads ou Implcit, que nous avons rencontrés, avons trouvé l’offre intéressante, sans pour autant les déployer à l’échelle.
On a besoin d’une courroie de transmission entre l’étape “je rencontre un acteur qui est intéressant” et celle où “je déploie cet acteur au sein de l’agence, pour les bons clients.” Ce sera le rôle de Clément : nous aider à filtrer les solutions qui valent le coup d’aller plus loin et les déployer au sein de l’agence. Rester ouvert, sans se disperser. Tester, puis déployer. Savoir quand ça vaut le coût de développer en interne. Quand il vaut mieux passer par des partenaires.
Clément, qu’est-ce qui vous a attiré dans le fait de rejoindre une agence indépendante, après près de 14 ans chez les holdcos, OMG puis Publicis, où vous avez notamment beaucoup œuvré sur le budget l’Oréal et l’acculturation des équipes Zenith au digital ?
Clément Coutel. J’ai 42 ans et j’arrive à un stade de ma vie où j’ai besoin de me retrouver dans ce que je fais. J’avais envie de rejoindre une agence qui a un positionnement en adéquation avec mes valeurs, comme c’est le cas de Cospirit, qui s’échine à sortir les annonceurs de leur dépendance aux Gafas ou qui ne cantonne pas le RSE à trois slides en fin de présentation.
Et je dois dire que ma première rencontre avec les collaborateurs de l’agence, à l’occasion d’un événement interne, qui était un peu une extension de l’évènement “Bonjour Demain”, m’a conforté dans cette impression.
J’ajouterais que j’aime les chaînes de décisions courtes, qui permettent d’avancer vite, Tout en me permettant de continuer à faire ce que j’aime : mettre les mains dans le cambouis et tester pour me faire un avis ! Ce qui est primordial dans un secteur où on aime bien utiliser des acronymes compliqués comme paravent.
Le groupe a ouvert son capital à un fond et un groupe de managers, en fin d’année dernière. Pourriez-vous procéder à des acquisitions pour renforcer cette brique digital ?
Eric Boyer. Cette opération, c’était d’abord un moyen pour Florian Grill et Olivier Delavoye, les deux cofondateurs, de préparer la suite. Florian Grill va avoir 60 ans cette année et il est devenu président de la FFR en 2023… Il avait deux options : vendre à un concurrent (et je peux vous dire que les sollicitations émanant du Big 6 ne manquaient pas) ou transmettre en interne, la solution qu’il a choisie. Pas la solution la plus simple mais celle qui avait le plus de sens.
Le montage doit permettre aux fondateurs de sortir progressivement du capital, tout en faisant entrer le management actuel. Il nous donne aussi la possibilité de faire de la croissance externe, comme nous l’avons fait avec l’acquisition d’Approche Media, en septembre dernier. Une opération qui est une réussite humaine, opérationnelle et financière, qui nous donne forcément envie d’en faire d’autres !
Dans quel domaine ?
Eric Boyer. Nous regardons régulièrement plusieurs dossiers. Cela aurait évidemment du sens de mettre la main sur une agence média indépendante qui viendrait augmenter notre part de marché tout en créant des synergies du côté des offres. Cela en aurait aussi, d’aller voir un spécialiste, qui nous permettrait de nous diversifier.
Et aller voir un réseau qui vous permet d’aller au-delà de la France ? À moins que le réseau Local Planet, dont vous êtes l’un des fondateurs, vous suffise ?
Eric Boyer. Les cofondateurs de ce réseau, comme pilot.de en Allemagne ou the7stars au Royaume-Uni, sont tellement solides que je ne vois pas d’intérêt à aller acheter une agence média étrangère pour essayer de faire moins bien. C’est très coûteux et ça prend du temps que de construire un réseau international complet.
L’un des sujets du moment, en agence, c’est le développement de briques AI. Où en êtes-vous ?
Eric Boyer. Nous sommes accompagnés par la BPI sur le sujet, ce qui nous permet de bénéficier d’un cadre structurant. La clé, c’est de partir des cas d’usages, pour créer des solutions qui répondent à des besoins. Aujourd’hui, 80% des cas d’usages concernent des agents, voire des assistants. Un agent va piocher dans les données du Web, ainsi que quelques documents propriétaires. Un assistant va plus loin, en ajoutant une brique RAG. Le tout dans un environnement sécurisé pour les données manipulées.
Nous devrions lancer nos premiers agents d’ici la fin de l’année. Une fois que vous avez cracké la techno qui vous permet de développer ces agents, tout va beaucoup plus vite. A date, nous sommes surtout sur des agents qui répondent à des besoins internes, pour gagner en productivité et en efficacité, mais nous voudrions, à terme, en développer qui génèrent de la valeur pour nos clients.