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Faut-il avoir peur du Search Max de Google ?

Près de trois ans après avoir mis le petit monde du SEA en émoi, avec le lancement de Performance Max, Google récidive avec une nouvelle fonctionnalité qui propose aux annonceurs d’automatiser tout un pan du paramétrage de leurs campagnes.

Baptisée Search Max, la nouvelle fonctionnalité ne va pas jusqu’à mixer des environnements SEA et display tels que Youtube ou le Google Display Network, comme le fait Performance Max. Search Max est en effet une fonctionnalité qui s’applique uniquement aux liens sponsorisés. 

Mais elle s’attaque, elle aussi, à quelques-unes des vaches sacrées du SEA. Notamment le choix des mots-clés à cibler et celui des créations publicitaires qui seront affichées en face de ces mots-clés. 

Pour cause, Search Max va proposer, par défaut, deux fonctionnalités :

Search term matching, qui vous permet d’élargir vos horizons en matière de mots clés ciblés. L’outil va passer au crible tous les assets que vous allez lui fournir : liste de vos mots-clés, créas publicitaires et URL de vos sites, pour identifier de nouvelles opportunités. Une fois activé, il s’applique pour l’ensemble de vos “ad groups”, avec néanmoins la possibilité de le retirer au cas par cas. On est, ici, sur une fonctionnalité qui doit vous permettre d’augmenter le reach de vos campagnes SEA.

Full text et URL optimization, qui vous permet d’optimiser à 100% la création d’assets publicitaires. Ici, l’outil se charge de tout et peut même choisir lui-même la page de votre site qui fera office de landing page. Chaque individu pourra donc être redirigé vers différentes pages du site selon son profil et ses besoins. On est, ici, sur une fonctionnalité qui doit vous permettre d’augmenter la pertinence de vos campagnes SEA.

La promesse est, sur le papier, la même que Performance Max à ses débuts. Laisser l’algorithme aller sur des territoires que vous n’auriez pas explorés. En termes de créas pubs comme de ciblages. Tout en offrant aux acheteurs médias ce que PMax n’offrait pas à ses débuts (Google a depuis corrigé le tir), du contrôle et de la transparence. 

“Vous avez, pour le coup, un niveau de reporting hyper granulaire puisque vous accédez à l’ensemble des combinaisons d’annonces qui sont diffusées et que vous voyez l’ensemble des termes de recherche sur lesquels vous êtes affichés, là où chez PMax c’est aujourd’hui juste le top 100”, témoigne un annonceur qui a pu tester la fonctionnalité en avant-première. Et vous avez la possibilité de décocher les deux fonctionnalités (même si Google ne vous encourage évidemment pas à le faire).

Quels sont les annonceurs concernés

La fonctionnalité n’est, pour l’instant, ouverte qu’à certains annonceurs. 79 et Havas Media ont, par exemple, demandé à ce que certains de leurs clients soient whitelistés. “Un des pré-requis de Google, c’est que l’annonceur soit déjà un gros utilisateur du ciblage large (broad)”, révèle Eric Le Page, head of search chez 79.

Ce qui est sûr, c’est que certains annonceurs risquent de passer leur tour. “Je doute que certains de nos clients les plus institutionnels, dans la banque ou le luxe, acceptent de laisser la main à un algorithme en ce qui concerne la création du message publicitaire”, témoigne Maxime Molnar, directeur performance chez Havas Market.

“C’est évident qu’une marque très à cheval sur le sujet ne prendra pas le risque d’avoir des annonces peu qualitatives”, complète Eric Le Page. Ou qu’une autre, qui veut gérer elle-même son tunnel de transformation, n’acceptera pas de laisser décider l’IA des URL de redirection à mettre en place.

Pourquoi Google lance Search Max

Parce que 15% des requêtes formulées chaque jour sont des nouvelles requêtes et que vous, annonceurs, passez donc à côté de nouvelles opportunités, nous dit Google. Un argument qui ne convainc pas Erwan Lohezic, DG de Biggie Media, qui estime, au doigt mouillé, que “c’est un pouillème de ces nouvelles requêtes qui sont en réalité commercialisables.” 

Pas sûr que les annonceurs y gagnent donc là-dessus. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que c’est sans doute un moyen pour Google d’optimiser la monétisation de ses inventaires publicitaires. 

Performance Max lui a permis d’aiguiller une partie des budgets SEA vers des environnements qui étaient sous-monétisés, comme son Google Display Network. Search Max pourra lui permettre de faire de même avec des requêtes délaissées par les annonceurs pour des mauvaises raisons. 

Il y a, sans doute, également une volonté de rationaliser son offre publicitaire. “Search Max est, quand on y réfléchit, la fusion de Broadmatch, la fonctionnalité de ciblage élargie, et Dynamic Search Ads (DSA), une fonctionnalité lancée il y a une dizaine d’années”, note Maxime Molnar. 

Des fonctionnalités pas présentes au même endroit et qui n’aident sans doute pas à bien comprendre comment s’articule l’offre de Google. Forcément un frein pour vendre cette dernière auprès d’annonceurs moins matures. Pour Maxime Molnar, il ne fait d’ailleurs guère de doute que Google “killera DSA, une fois que Search Max sera bien installé.” 

Un constat partagé par Jérémy Lacoste, DG d’Eskimoz France, qui anticipe une baisse du type de campagnes proposées. “Aujourd’hui on a 5 à 6 types de campagnes. Cette complexité crée une barrière à l’entrée.” 

C’est sûr que ce sera beaucoup plus simple pour Google d’évangéliser les PME au SEA en leur proposant deux types de produits : Performance Max, pour un mix de search et d’upper funnel display, et Search Max, pour le volet bas de funnel. Deux fonctionnalités qui ont, par ailleurs, le mérite d’automatiser ce qui est le plus compliqué pour les non initiés : le paramétrage des campagnes. 

“Search Max s’inscrit dans le prolongement des actions entreprises par Google pour rendre le search ‘keywordless’, analyse Erwan Lohezic. Une fois que vous lui avez partagé l’URL de votre site et que Google a pu analyser les assets de votre page, il se charge de tout.”

C’est, à en croire notre annonceur anonyme, un sujet de  conduite du changement : faire basculer progressivement l’ensemble du marché vers un nouveau mode d’achat. “Le but pour Google, c’est de proposer une expérience utilisateur aussi simple que possible pour générer encore plus de croissance auprès de cette audience.” Un parti pris qui a bien fonctionné pour Meta, dont 75% des budgets proviennent aujourd’hui des PME.

Pourquoi les annonceurs doivent être vigilants

Parce que celui qui se charge d’optimiser la diffusion de vos campagnes et aussi celui qui vous vend l’inventaire qui accueillera ces campagnes, il vous faudra bien évidemment faire preuve d’une vigilance extrême. “Le risque c’est évidemment que Google se serve de cet outil pour nous revendre de l’inventaire moins performant, voire faire passer de l’inflation sur l’existant”, rappelle notre acheteur anonyme.

“Il ne faut pas qu’on perde en maîtrise et diffusion, ce que l’on gagne en confort et rapidité”, résume Jérémy Lacoste. L’expert enjoint d’ailleurs les annonceurs à rester très vigilants sur ce point. “Le recours à l’automatisation génère souvent un peu de désengagement des équipes. Vous êtes moins alertes, car vous avez confiance dans les choix faits par l’algorithme, et c’est là que vous êtes le plus à risque.”

Pas de recette miracle ici, simplement du bon sens. A savoir scruter la performance des campagnes. “Je vais suivre de près le coût du trafic qu’il me génère et m’assurer d’avoir les outils pour cela”, poursuit notre annonceur anonyme. C’est, concrètement, analyser les reportings pour distinguer le bon inventaire du mauvais et exclure ce dernier lorsque l’IA ne le fait pas d’elle-même.

Google ayant appris de ses leçons, c’est tout à fait possible via la beta, “même si on n’est pas à l’abri que Google décide de supprimer les reportings une fois la période du pilote terminée”, sourit notre annonceur. 

Maxime Molnar rappelle, à ce titre,  l’importance de mettre en place des protocoles de tests les plus clairs possibles. “C’est indispensable, pour tirer le meilleur d’un produit comme celui-ci. Cela vous permet de 1° vous forger des croyances 2° établir des règles d’or dont vous ne dérogerez pas.” En bref, de réfléchir à la meilleure manière d’encadrer des algorithmes qui, aussi puissants soient-ils, ne seront jamais auto-suffisants.

Pourquoi on file tout droit vers un search unifié

“La qualité des contenus affichés sur votre site devient plus que jamais importante puisque c’est d’eux que découleront vos annonces”, note Erwan Lohezic. Les marques doivent donc s’assurer que leur site raconte bien ce qu’elles veulent dire en média (vous seriez surpris de voir le nombre d’annonceurs chez qui ce n’est pas le cas). 

Même si, comme le rappelle notre annonceur anonyme, plus que Search Max, c’est sans doute la démocratisation des LLM qui va dicter cet impératif. “On va tous devoir faire attention à ce que l’on raconte pour que ChatGPT, Perplexity et cie comprennent bien nos messages de marque.” Nous n’en sommes qu’aux débuts, en témoigne le lancement d’offres comme celle de Jellyfish qui, avec son “Share of Model, veut aider les marques à être mieux perçues des LLM.

Cela laisse augurer, par ailleurs, quelques querelles de chapelles entre les équipes SEO et les équipes SEA, à en croire Jérémy Lacoste. “C’est le même sujet que pour DSA. Vous avez une équipe qui veut s’assurer que le contenu est factuel et qu’il répond bien aux requêtes des internautes, pour préserver les positions SEO, et une autre, qui veut être plus offensive sur le contenu, pour que les annonces pubs qui en découlent donnent envie de cliquer.” Ici encore, vous seriez surpris de voir le nombre d’annonceurs chez qui ce n’est pas le cas.

Cette convergence entre SEO et SEA vient rappeler l’importance d’aligner les objectifs et les pratiques des deux pôles. “On aime bien parler de search unifié à nos clients, révèle Maxime Molnar. Et on leur conseille d’ailleurs de regarder la performance de leurs leviers search au sens large.”

Une bonne nouvelle à en croire Jérémy Lacoste. “L’époque de l’expert SEA qui passe sa vie à analyser des listes de mots-clés, le nez dans ses formulaires excel, est révolue. Il va falloir travailler tout ce qui se passe en dehors : le copywriting, le volet créatif, l’expérience sur le site…. En bref, faire aussi du conversion rate optimization.” 

Des compétences qui se rapprochent, d’ailleurs, de celles nécessaires à la gestion des campagnes social et qui font qu’à terme, annonceurs comme agences, devront peut-être revoir leur organisation, comme le rappelait Erwan Lohezic dans cet épisode du “Media Buyers Club”. “On passe de l’ère de l’hyper spécialiste à celle du multispécialiste capable d’opérer simultanément plusieurs leviers.”