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Jérôme Amouyal (Axa) : “My AI Brain a considérablement réduit les délais pour produire des études marketing”

En amont de l’évènement AI for Brands, qui se tiendra aux Echos le 5 juin prochain, Open Garden interroge plusieurs dirigeant(e)s marketing sur leur rapport à l’IA, sur ce qu’ils ont entrepris au niveau de leur entreprise et sur ce qui peut venir révolutionner le marketing. Nous continuons cette série avec Jérôme Amouyal, global media et marketing effectiveness director chez Axa.

Open Garden. Depuis combien de temps mettez-vous de l’IA dans votre marketing ? Y-a-t-il eu un élément déclencheur ? 

Jérôme Amouyal. Si on parle d’IA au sens large, on en fait depuis une bonne quinzaine d’années, avec l’arrivée du programmatique et du machine learning dans l’achat média – un secteur pionnier en la matière.

Si on parle d’IA générative, alors il y a clairement eu un avant et un après ChatGPT. Six mois après son lancement, nous avons mis le sujet IA à l’ordre du jour de la plénière des équipes communication, marque et développement durable, pour réfléchir à ce que cette technologie pouvait nous apporter. 

De là, est née notre plateforme My AI Brain, un projet d’assistant virtuel sécurisé, qui repose sur une solution de type RAG (Retrieval-Augmented Generation) et combine des modèles de langage avancés avec des bases de données internes, pour fournir des réponses précises et contextualisées à nos employés.

En quoi My AI Brain booste-t-il votre marketing ? 

Je pense que la Gen AI va impacter toutes les facettes du marketing : média, digital, insights, marque, CRM. C’est la raison pour laquelle nous avons conçu My AI Brain comme un assistant polyvalent. Mais c’est sans doute sur le volet insights, qu’il est le plus avancé, en nous aidant à mieux “digérer” les nombreuses études quali et quanti dont nous disposons. 

Prenez la pige Nielsen, par exemple, que nos équipes ont, dans la pratique, rarement le temps d’aller analyser dans le détail pour comprendre finement les stratégies des assureurs en termes de publicité. Grâce à My AI Brain, elles peuvent le faire, beaucoup plus rapidement et simplement.  

Comment mesurer vous la réussite d’un tel outil ?

En regardant des indicateurs simples. A commencer par le nombre de personnes qui l’utilisent, leurs fonctions, leurs géographies… Cela permet de mieux mesurer l’adhésion des collaborateurs et la vitesse de déploiement. 

Et puis il faut, bien sûr, regarder si l’IA crée de la valeur, si elle aide les gens à mieux faire leur travail. Y a-t-il un gain en termes de production, que ce soit en volume ou en qualité sur nos sujets ? 

C’est la bonne nouvelle : on démultiplie nos capacités d’analyse. Et, surtout, on diminue considérablement le time to market puisqu’un projet qui prenait plusieurs semaines peut parfois être réalisé en quelques jours grâce à My AI Brain. 

En délestant nos collaborateurs de tâches fastidieuses, en les aidant à aller beaucoup plus vite sur certaines tâches, cet assistant leur permet aussi de se concentrer sur des projets à plus forte valeur ajoutée, voire des projets pour lesquels ils n’auraient pas eu les ressources nécessaires. 

Un KPI que vous n’avez pas mentionné, c’est la qualité des insights remontés

Bien sûr, il faut toujours challenger les résultats de l’IA, mais au fond, challenger, on le fait aussi pour des jeunes collaborateurs en phase d’apprentissage dans leur poste. 

En général, ceux de nos collaborateurs qui ont vraiment pris le temps de se former ont appris à utiliser My AI Brain et apprécient le niveau de qualité de ses réponses. Mais quel que soit ce niveau de qualité, nos collaborateurs restent responsables du contrôle et de l’utilisation de l’IA. 

My AI Brain a été initié par le marketing mais il s’ouvre aux autres divisions chez Axa. Comment gérez-vous celà ?

Très vite, les équipes stratégie se sont greffées au projet. Puis les équipes finance, audit, risque, … Aujourd’hui, nous voulons que l’outil, qui a été mis en place au siège, soit également déployé dans nos différentes filiales, en local. 

Est-ce que la gouvernance a changé ? 

Je suis toujours co-sponsor du projet, avec le responsable data et IA du groupe, et avec une implication très forte de nos différentes équipes IT. Car, évidemment, un projet de ce genre est collectif et nécessite un respect de nos règles en termes d’architecture, de sécurité des données et de gestion des données personnelles. 

On voit de plus en plus d’entreprises essayer de comprendre la perception qu’ont les LLM de leur marque, pour voir comment être citées plus souvent et, de préférence, sur des items de marques qui sont importantes pour elles. Est-ce votre cas ?

Nous regardons évidemment cela avec intérêt. Il est clair que l’on assiste à une véritable révolution dans la manière de rechercher et d’accéder à l’information. Toute la question, maintenant, c’est de savoir si cette révolution va prendre un ou cinq ans. 

Si beaucoup, y compris dans mon équipe, penchent pour la première option, je suis néanmoins circonspect. En tant que responsable média, j’ai entendu assez souvent, il y a quelques années, que la TV était condamnée par l’avènement du digital - ce qui n’est évidemment toujours pas le cas. Donc on verra bien, mais il faut se tenir prêt ! 

Je ne serais, par exemple, pas étonné que, quelques années durant, deux modèles coexistent : search enrichi à l’IA, comme l’est AI Overviews, d’un côté ; et de l’autre, assistants conversationnels de plus en plus présents au début de la navigation d’utilisateurs. 

Ça ne va pas faciliter la tâche des marques, qui devront alors travailler deux leviers de visibilité et même sans doute davantage, puisque la plupart des chatbots ont des modes d’apprentissage différents, et donc des réponses potentiellement différentes les uns des autres. 

Cela étant dit, la bonne nouvelle, c’est qu’il y a quand même une continuité entre le search engine optimization (SEO) et le generative engine optimization (GEO). Malgré les différences, au fond, dans les deux cas, l’enjeu est de faire émerger des contenus de qualité qui font référence. 

Vous avez lancé une étude pour mieux comprendre ces usages de recherche, me disiez-vous….

Oui, l’objectif, c’est de comprendre qui, par marché, par génération, utilise l’IA pour obtenir des conseils d’achat et qui a l’intention de le faire prochainement. 

Nous sommes encore en train de finaliser cette étude mais ce qu’on voit, c’est que le ratio est généralement au-dessus des 10% des répondants qui utiliseraient l’IA pour un achat d’assurance avec une grosse majorité qui s’appuie sur Chat GPT. 

Certains pays, comme l’Italie, sont plus en avance que d’autres, alors que le Japon semble plus conservateur.

Et la France ? 

Quelque part entre les deux !

On parle en ce moment beaucoup d’agentique. Qui les agents IA vont-ils, selon vous remplacer :  vos outils SaaS, vos prestataires qui les opèrent, vos collaborateurs ou sans doute personne de tout ça ?

Je vais vous faire une réponse de normand. Sans doute, un peu tout le monde et un peu personne. Les collaborateurs qui ne veulent pas prendre le virage de l’IA sont à risque, comme l’étaient ceux qui refusaient de se mettre au PC ou à Internet il y a plusieurs dizaines d’années.

L’IA va démultiplier les collaborateurs. Elle a la capacité de les débarrasser des tâches les plus fastidieuses et leur permettre de se concentrer sur des sujets plus stratégiques. Je pense qu’elle va donner lieu à une vraie transformation de la chaîne de la valeur : il est clair pour moi, par exemple, qu’une bonne stratégie aura bien plus de valeur qu’une prestation qui consiste à décliner une créa publicitaire en une centaine de formats adaptés aux différentes plateformes média. 

Et concernant la stratégie, ce n’est pas à l’IA de la construire, même si elle peut y aider, en collectant et synthétisant des millions d’informations. C’est bien à nos collaborateurs d’avoir une ambition, des convictions sur les tendances du marché, une connaissance fine des besoins clients, et la compréhension de là où l’entreprise est saillante pour pousser les bonnes propositions de valeur. 

Utiliser l’IA pour obtenir davantage d’informations structurées et se forger des convictions, clairement oui. Mais ce sera toujours à nous de poser les bonnes questions, d’identifier des points d’inflexion, de laisser libre cours à notre imagination et à notre intuition. L’IA est très forte sur les données passées mais nous sommes quand même pour l’instant meilleurs dans l’analyse des situations nouvelles et pour construire le futur que nous souhaitons voir arriver.