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Lucie Vannier (Moloco) : “Nous investissons le marché français du retail media sur le long terme et avec la patience qu’il faudra.”

Open Garden. Vous venez de rejoindre Moloco pour en superviser le développement commercial en France. J’avais en tête un DSP “next generation”, qui mise sur le cloud et le machine learning, pour bousculer un marché plutôt établi. J’ai juste ?
Lucie Vannier. C’est en tout cas la première solution qu’Ikkjin Ahn, le fondateur de Moloco, un ancien de Google, a commercialisé en 2013. Son ambition, à l’époque, et ça l’est toujours 12 ans plus tard, c’était de révolutionner le marché de la publicité digitale grâce à l’intelligence artificielle.
Ce DSP se concentre sur l’environnement applicatif de l’Open Internet, qui représente les deux tiers du temps passé par les internautes, mais à peine un tiers des investissements médias, le reste étant évidemment capté par les walled gardens.
Nous sommes intégrés à plus de 3 millions d’applications mobiles, que ce soit, en direct, via notre SDK ou via la quarantaine d’exchanges auxquels nous sommes connectés. Cela représente près de 6,7 milliards de smartphones dans le monde !
C’est conséquent mais c’est le cas de pas mal de DSP. Qu’est-ce qui vous différencie du reste du marché ?
Comme vous l’avez dit, c’est le machine learning. Nous nous appuyons sur des réseaux neuronaux profonds qui nous permettent de mettre en place des stratégies d’enchères intelligentes, qui exploitent les signaux contextuels et les données 1st party, en opposition aux modèles d’enchères rigides de nos concurrents.
Tout ceci nous permet de mettre en place des ciblages personnalisés de manière automatique et temps réel et, évidemment, d’opérer une allocation dynamique des budgets médias pour maximiser le ROAS, en affectant les investissements sur les campagnes les plus performantes. Sans qu’il y ait, je le précise, aucun partage de données entre annonceurs. Les données utilisées sont chiffrées de bout en bout et bien compartimentées.
Avez-vous des clients sur cette activité en France ?
Oui quelques uns, parmi les références publiques, je ne peux citer que des clients qui opèrent en France tels que des acteurs du gaming, comme King et Rovio mais aussi d’autres références, comme BurgerKing, FreeNow ou Binance.
Moloco, ce n’est plus uniquement un DSP puisque vous avez lancé une activité commerce media, positionnée côté “sell-side”. Pourquoi ?
Pour notre expertise dans le secteur et parce que nous pensons que notre expertise en machine learning, couplée à la démocratisation des LLM, peut nous permettre de révolutionner ce marché qui est encore naissant.
C’est toute l’ambition du chief business officer de cette activité, Nikhil Raj, qui a été responsable de la practice retail media de Bain, après avoir aidé Walmart à se lancer sur ce créneau.Nous voulons aider les retailers à mieux exploiter la richesse de leurs données 1st party.
Toutes ces données, depuis le catalogue produit détaillé jusqu’aux données clients (transaction et fidélité), en passant par les données anonymisées de navigation sur site, doivent nous permettre de saisir avec précision l’intention de l’utilisateur. L’objectif, c’est de rendre les publicités affichées toujours plus pertinentes, avec une personnalisation individuelle en temps réel, bénéfique donc pour l'ensemble des acteurs: les utilisateurs, les annonceurs et le retailer.
C’est ce qui a permis à un acteur comme Amazon d’augmenter la pression publicitaire… sans impacter l’expérience utilisateur. Ce sera tout aussi vertueux pour les retailers qui pourront augmenter leurs revenus publicitaires, parce qu’ils ont confiance dans la pertinence des formats affichés, et qui pourront, en plus, augmenter leurs revenus e-commerce, grâce à ces formats. On n’est pas loin de la fameuse flywheel d’Amazon comme vous pouvez le voir !
Quel type de retailers ciblez-vous ?
Plutôt des retailers matures, qui ont envie de reprendre le contrôle, avec une techno en marque blanche qui est hyper modulaire - ils ne gardent que les fonctionnalités dont ils veulent - et privacy first, car toutes les données restent chez eux. D'ailleurs, si le retailer a déjà mis sur pied son propre “seller portal”, nous pouvons nous y connecter en API pour que rien ne change, en ce qui concerne l’UX, côté acheteurs.
Si c’est aux retailers de gérer la commercialisation de leur inventaire, car nous ne faisons pas de managed service, nous avons une équipe qui les assiste de manière hebdomadaire. Qu’il s’agisse de former leurs équipes ou les clients à la prise en main de la plateforme, d’analyser les performances des campagnes publicitaires ou de faire des recommandations de nouveaux emplacements.
Qu’en est-il des secteurs ?
Nous travaillons vraiment avec tous les types d’acteurs. Je peux citer des leaders du “food delivery” en Corée et au Japon, tels que Yogiyo et Demaecan, des acteurs du prêt-à-porter et du luxe, comme Balaan ou StockX ou des spécialistes de l’ameublement, comme Bucketplace ou Wayfair, qui opère aussi en Europe.
Ou même des acteurs qui font du commerce de masse, comme GS Shop en Corée. Pour tous ces acteurs nous arrivons à multiplier le revenu publicitaire deux à cinq fois et à augmenter significativement les revenus e-commerce (GMV). Nous avons lancé l’Asie en 2022, les Etats-Unis en 2024 et nous ouvrons l’Europe en ce moment.
La plupart des gros retailers français ont récemment choisi un partenaire. A l’exception de Conso Régie, dont le contrat avec Criteo arrive à son terme en fin d’année, il y a peu d’opportunités. Pas un problème pour vous ?
Effectivement, le marché français est établi et par ailleurs assez avancé. Mais nous l’investissons avec une vision long terme et la patience qu’il faudra.
A court terme, nous pouvons tout à fait nous adapter aux solutions déjà en place, en introduisant un nouveau format publicitaire chez un retailer, en plus de ceux existants. C’est ce que nous avons fait avec Wayfair, en intégrant un format de recommandation publicitaire sur ses pages produits, par exemple.
Si on prend le cas d’Amazon, ses revenus publicitaires pèsent pour 7% de sa GMV. Le ratio est plutôt de 1% en ce qui concerne les retailers français. On veut les emmener autour des 3%
J’observe que, si la France est un marché bien avancé sur le sujet du retail media, elle reste très ancrée dans l’in-store. Parce que la part de marché de l’e-commerce dans le total des ventes reste relativement faible, notamment dans la grande distribution. Il y a une vraie marge de progression et je pense que Moloco peut aider les retailers à casser ce plafond de verre.
Si on prend le cas d’Amazon, ses revenus publicitaires pèsent pour 7% de sa GMV. Le ratio est plutôt de 1% en ce qui concerne les retailers français. On veut les emmener autour des 3%
Sur le plus long terme, nous croyons beaucoup à l’émergence du “best of breed”, qui voit les retailers choisir les meilleures technologies dans leur domaine, plutôt qu’une solution qui fait tout, de l’in-store à l’on-site, en passant par l’offsite. Ce qui nous va bien car nous pensons être la technologie la plus performante sur l’on-site et que nous avons des partenariats stratégiques avec des acteurs clés du in-store et du offsite.
Vraiment ? Je pensais que les retailers en avaient marre des solutions silotées et étaient plutôt à la recherche d’une approche holistique du retail media…
C’est impossible quand vous faites un peu de tout, de tout faire bien. Et les retailers les plus matures, qui en sont à optimiser le moindre point de croissance, l’ont bien compris.
On le voit déjà aux Etats-Unis et en Asie. Et ça arrive aussi en Europe puisque nous nous sommes positionnés sur un appel d’offre, uniquement sur la brique on-site, en complément d’une solution plus globale.
Vous pourriez donc nouer un partenariat de ce genre avec une plateforme “all-in-one” qui veut muscler son offre onsite en France ou une autre qui opère sur des leviers complémentaires, type in-store ou extension d’audience ?
Tout à fait, ça fait aussi partie de mes missions. Rencontrer les acteurs clés de cet écosystème et voir ceux avec lesquels il y a des choses à faire.
Et côté annonceurs ?
Il y a aussi des choses à faire, notamment en ce qui concerne l’expérience utilisateur, que le marché gagnerait à simplifier. Un peu comme le fait Google avec son Performance Max, nous voulons simplifier la création de campagnes grâce à des mécanismes de “smart bidding", avec des enchères optimisées par objectif et des recommandations personnalisées, qu’ils sont libres de suivre ou non.
Vous avez aussi une brique d’achat sur le streaming. Peut-on imaginer des passerelles avec votre offre retail media pour permettre aux retailers de faire de l’extension d’audience ?
Nous explorons évidemment toutes les synergies possibles. Notre DSP peut aujourd’hui très bien aider les retailers à booster le nombre de téléchargements de leur application tout comme il pourrait leur permettre à terme, sur la partie streaming, d’y activer leurs données 1st party.