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Martin Lawson (Origin) : “Les grandes plateformes vidéos ont mis beaucoup d’eau dans leur vin sur le sujet de la mesure cross-media”

C’est l’un des piliers d’Origin, le projet de mesure cross-media chapeauté par l’ISBA, l’équivalent anglais de l’Union des Marques. Martin Lawson a accepté de nous éclairer sur les avancées d’un projet qui aura nécessité près de 70 millions de livres de financements et est à quelques mois d’un lancement officiel.
Il évoque la possibilité, à terme, pour les annonceurs de comparer seconde par seconde les performances des campagnes de streaming avec celles de la TV linéaire et il revient sur la coexistence entre Origin et le projet de mesure de Médiamétrie en France.
Open Garden. En France, on parle beaucoup du comité de mesure cross-media que Médiamétrie vient de lancer. En Angleterre, vous avez déjà bien avancé puisqu’Origin, une initiative sponsorisée par l’ISBA, a vu le jour en 2024. Où en êtes-vous ?
Martin Lawson (Origin). Nous sommes encore en phase de test. Ce sont aujourd’hui 35 annonceurs et leur agence média qui se connectent à la plateforme et accèdent à leurs bilans de campagnes unifiés. C’est-à-dire qu’ils obtiennent, pour chacune d’entre elles, un reach et une fréquence dédupliquées à travers la TV linéaire, la vidéo en ligne et le display.
L’objectif, désormais, c’est d’aller un cran plus loin dans la granularité des informations que nous remontons au sein de cette plateforme que nous espérons lancer officiellement d’ici quelques semaines.
Jusqu’où dans la granularité ?
Eh bien aujourd’hui il n’y a pas de segmentation d’audience. Vous avez les informations pour les adultes dans leur ensemble. A terme, on voudra segmenter cela par âge et par genre.
C’est un exemple parmi d’autres, Origin est un “work in progress” d’ici son lancement officiel. Avec deux mots d’ordre : des reportings faciles à comprendre et obtenir, des données hyper granulaires.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la méthodologie de mesure. Vous vous appuyez sur un panel de 2 500 foyers, établi par Kantar Media, et puis quoi d’autre ?
Le panel est opérationnel depuis maintenant un an. Origin se nourrit de ce panel, pour assigner à chaque adulte du Royaume-Uni un ID virtuel.
Nous récupérons les données d’impressions des plateformes, comme Youtube, Meta, TikTok ou Amazon, pour les traiter de manière 100% sécurisée et respectueuse de la vie privée des utilisateurs.
On pressent, en France, qu’il sera difficile de mettre d’accord des broadcasters et les plateformes d’AVOD autour de la définition d’un contact. Les premiers ont une définition assez exigeante, qui intègre une notion de complétion, quand les seconds adoptent les principes du MRC qui considère qu’une impression vidéo est vue à partir de 2 secondes à 50% de la création affichée. Est-ce aussi un sujet chez vous ?
C’est exactement le même débat. On parle, dans notre langue, de comparaison “apple to apple”. Bien sûr que le medium est important et que l’on a conscience qu’une publicité affichée sur votre écran TV, que vous regardez dans votre salon, n’a pas le même impact qu’une autre affichée sur le feed d’un utilisateur qui consulte son smartphone dans les transports en commun.
Ce n’est pas le rôle d’un Origin de dire quelle définition devrait être retenue dans la notion de contact publicitaire
Pour autant, ce n’est pas le rôle d’un Origin de s’immiscer dans le débat et de dire quelle définition devrait être retenue dans la notion de contact. Notre rôle, c’est de nous assurer que les agences médias et les annonceurs qui veulent pouvoir arbitrer entre TV linéaire, AVOD et cie, peuvent le faire en s’appuyant sur une source unique et fiable de données.
Aux acheteurs de pondérer, ensuite, en fonction du contexte de consommation et des données de complétion que nous leur remontons.
Jusqu’où irez-vous dans cette mesure de la complétion ? Il se dit que certaines plateformes ne veulent pas être trop granulaires là-dessus…
A terme, nous voulons pouvoir proposer une complétion seconde par seconde et ce sera à l’acheteur de dire à partir de quel nombre de secondes il considère que le spot est vu. Mais Origine est, comme je vous l’ai dit, un work in progress. Nous n’en sommes pas encore là. Pour l’instant, l’acheteur peut filtrer les impressions vues plus de 2 secondes, soit le standard MRC, et celles vues à 100%.
Ensuite nous allons introduire des filtrages par palier : 25, 50 ou 75% du spot. La complétion, seconde par seconde, viendra dans un second temps et ne sera, effectivement, disponible que pour les plateformes qui nous partagent l’information.
Ce sera le cas de Meta, Youtube ou Amazon vous pensez ?
Je pense que, comme les acteurs que vous citez sont des acteurs globaux, ce qui vaudra pour le Royaume-Uni vaudra également pour la France, l’Allemagne ou d’autres pays. Ce qu’on observe avec Origin, c’est que ces plateformes ont mis beaucoup d’eau dans leur vin, qu’elles acceptent aujourd’hui des choses qu’il était difficile d’imaginer obtenir il y a un ou deux ans.
Elles sont à l’écoute. Elles ne disent pas non à une “data de complétion seconde par seconde” mais dans un second temps. Chaque chose en son temps, l’essentiel étant que nous soyons alignés sur la destination finale.
J’ajouterai aussi que les discussions seront plus fructueuses à mesure que la plateforme sera utilisée par les acheteurs et que les sociétés que vous mentionnez verront qu’elle a un vrai impact.
Vous êtes à quelques mois du lancement disiez-vous. Quelle est la date exacte ?
Nous ne l’avons pas arrêté officiellement mais nous nous sommes engagés à le faire au second trimestre de cette année. Ce sera sans doute plutôt vers la fin de cette échéance, je vous l’accorde. Mais nous n’avons jamais été aussi proches. Je vous rappelle que c’est l’aboutissement de 4 ans de travaux avec certains annonceurs.
Quel est le business model ?
L’annonceur paie un fee qui s’établit à 0,1% du CPM. Ce principe de rémunération, baptisé levy, a été mis en place il y a quelques années au sein de notre marché sous l’égide de l’Advertising Standards Authority.
Ça fait donc 1 000 euros pour une campagne d’un million d’euros, ce n’est clairement pas une barrière à l’entrée.
J’ai vu que votre pendant américain, Aquila, était officiellement en ordre de marche depuis l’été dernier. Quelles sont vos relations ? Vont-ils profiter de tout ce que vous avez entrepris ?
Même si nous partons d’un modèle commun, établi par la WFA, nos deux marchés sont très différents. Cela ne nous empêche pas d’échanger avec l’équipe américaine, depuis près d’un an, pour lui faire profiter de nos avancées… et inversement.
Notre plateforme technologique a été construite par les équipes d’Accenture. Il est convenu qu’Aquila puisse en bénéficier. Ce qui explique que, dorénavant, tout nouveau développement de la plateforme se fera en bonne intelligence avec les États-Unis. Les deux initiatives ont d’ailleurs choisi Kantar comme partenaire pour établir le panel.
En France, c’est Médiamétrie, qui pilote le développement de la mesure cross-media. Est-ce que ce projet se fera aussi en bonne intelligence avec celui d’Origin ?
Le framework développé par la WFA, duquel nous sommes partis, a été pensé pour être applicable à chaque marché. Et notre expérience avec les Américains nous a prouvé qu’une telle collaboration permettait d’économiser du temps et de l’argent.
Il ne s’agit pas d’exporter Origin en France mais d’accompagner Médiamétrie dans sa démarche
Sans chercher à “dominer” le monde entier, parce que nous avons déjà pas mal à faire au Royaume-Uni, nous sommes évidemment partants pour aider les autres marchés, qu’il s’agisse de la France, de l’Allemagne ou du Canada, pour ne citer que ceux-là. Il ne s’agit pas d’y exporter Origin mais d’accompagner les acteurs locaux, Médiamétrie en France, dans leur démarche.
Si je me hasardais à une métaphore immobilière, je dirais que le framework de la WFA pose les fondations et que chaque marché est libre de construire les murs et le toit les plus adaptés à ses besoins. C’est évident que ce sera indispensable, pour des annonceurs globaux comme PG ou Unilever, de pouvoir s’appuyer sur des standards applicables dans tous les marchés, pour pouvoir faire leurs arbitrages.
En France, on aime bien rappeler que les Anglais se sont mis dans une position assez étonnante, où il y aura deux outils de mesure pour la TV linéaire : l’historique, porté par les broadcasters, Barb, et Origin. Vous le déplorez aussi ?
Quand on a lancé Origin, il y a maintenant quatre ans, l’ambition c’était évidemment de s’appuyer sur les datas existantes. Notre plateforme a d’ailleurs été pensée pour intégrer celles d’acteurs comme Barb. Pour que ce dernier devienne la source de vérité concernant la télévision linéaire, au sein d’Origin.
Nous avons malheureusement très vite réalisé que ce ne serait pas possible, Barb étant limité par des restrictions qui l’empêchent de répondre aux standards de la WFA. Il nous a donc fallu très vite nous résoudre à construire notre propre panel.
Evidemment, ça prend du temps et ça coûte cher. Mais c’était malheureusement indispensable pour avancer. Même si je suis d’accord, que ce n’est pas idéal d’avoir désormais deux sources de données pour un même medium. Et c’est sans doute ce qui explique les broadcasters ont eu du mal avec le projet Origin.
Mais les différends ont été aplanis ces derniers mois car, comme nous l’avons rappelé aux broadcasters et aux équipes de Barb, nous ne sommes pas là pour challenger leur rôle d’arbitre dans les investissements TV linéaires. Nous sommes sur la partie insight et reporting, Barb est lui sur la partie mediaplanning et trading.
Vous avez évoqué des restrictions côté Barb. Peuvent-elles être dépassées à terme ?
Vous m’auriez posé la question il y a 8 ou 9 mois, je vous aurais dit que je n’étais pas sûr que nous y arrivions. Mais nous avons fait quelques avancées, depuis l’été dernier, et il n’est pas impossible que la data de Barb vienne, à terme, nourrir celle d’Origin.
Une des inquiétudes des broadcasters français vis-à-vis d’Origin provient de son financement. Les 50 millions de livres investies dans le projet proviennent principalement de la poche des annonceurs, de Google et de Meta, ce qui suscite des craintes quant à son impartialité de la part de broadcasters qui, il faut le préciser, ont été sollicité pour payer mais ont refusé…
Construire une mesure de ce genre coûte cher. On a effectivement parlé de 50 millions de livres mais je pense, qu’avec le temps, on sera plutôt proche des 70 millions. Les broadcasters étaient, comme vous l’avez rappelé, invités à contribuer financièrement. Ils ont refusé, c’est leur décision et nous n’y trouvons rien à redire.
Quant aux inquiétudes concernant l’impartialité de l’outil, je ne peux que rappeler que notre méthodologie a été auditée par une organisation tierce appelée le RSMB, qui l’a comparée avec d’autres méthodologies.
C’est important de le rappeler car le RSMB est l’organisme qui a mis sur pied la méthodologie de mesure de Barb et qui est à l’origine de la mesure cross-media des chaînes de TV, CFlight. Toutes les étapes, depuis l’intégration de la data liée aux impressions publicitaires, en passant par le recoupement avec le panel Kantar et la modélisation, fera l’objet d’un audit scrupuleux d’organisations indépendantes.