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Pourquoi on vous parle de plus en plus de CDP composable

C’est, dans un univers où les acronymes se succèdent les uns aux autres une petite nouveauté : enrichir un acronyme existant. Après la DMP, data marketing platform, qui était orientée cookies tiers, et la CDP, customer data platform, qui élargissait le périmètre aux données en tous genres, c’est donc au tour de la CDP composable de faire saliver les marketeurs (et les experts en data qui les accompagnent).
Mais de quoi parle-t-on au juste ? “Une CDP composable, c’est une solution modulaire qui s’appuie sur votre infrastructure existante pour collecter, modéliser et activer la donnée client”, résume Oussama Ghanmi, fondateur de Dinmo, un des pionniers de la pratique en Europe.
Alors que la customer data platform traditionnelle, comme celle de Salesforce, Adobe ou Segment, fonctionne comme une entité distincte vers laquelle l’entreprise doit aiguiller tous ses flux de données, la CDP composable s’appuie, elle, sur l’ensemble des données que l’entreprise stocke au sein de son data warehouse.
Cette innovation est rendue possible par la conjonction de deux facteurs. “D’abord, l’explosion des data warehouses, ces entrepôts dans le cloud dans lesquels pas mal d’entreprises ont commencé à stocker l’intégralité de leurs données, en s’appuyant sur des technologies comme Snowflake, BigQuery ou Databricks.
Des environnements sur lesquels la plupart des entreprises tech nées ces 5 dernières années ont misé car ils sont plus flexibles et scalables que des serveurs en dur. Des environnements qui ont pris une autre dimension lorsque le “reverse ETL” s’est démocratisé.
“Le reverse ETL va vous permettre de créer des connexions entre votre data warehouse et vos outils d’activation, en requêtant via SQL, la donnée qui est stockée sous forme tabulaire dans le premier”, explique Philippe Kuhn, head of analytics et experience chez fifty-five. Dit autrement, le reverse ETL rend activable un data warehouse qui était conçu, à l’origine, pour permettre aux entreprises de prendre des décisions basées sur la data. Ce qu’on appelle la “business intelligence” dans le jargon.
C’est sur cette innovation qu’ont surfé des nouveaux acteurs, comme HighTouch ou Dinmo, pour convaincre des entreprises qui avaient consenti à des investissements conséquents dans leur infrastructure cloud de revoir leur copie en matière de CDP. Avec un discours commercial qui a eu d’autant plus d’impact que ces dernières n’étaient pas sans générer leur lot de frustration.
“Les CDP traditionnelles sont fortement challengées non pas, parce qu’elles ne fonctionnent pas, mais parce que leurs utilisateurs peinent parfois à mettre en place des cas d’usages qui délivrent suffisamment de valeur”, observe Philippe Kuhn.
C’est le problème classique : on vous vend une technologie coûteuse mais révolutionnaire, vous vous jetez dessus, sans avoir forcément pris le temps de voir ce qu’elle peut vous apporter et, sans surprise, le ROI n’est, au bout du compte, pas au rendez-vous.
Dans ce cas-là, vous avez deux options. Soit vous améliorez les cas d’usage, pour rentabiliser la technologie, soit vous faites en sorte d’en abaisser le coût. Pour les indécis, la CDP composable propose un entre-deux.
“C’est moins coûteux car les CDP composables proposent une approche sur étagère”, résume Aymen Ben Guirat, expertise et innovation lead chez fitty-five. Vous pouvez, par exemple, uniquement payer pour un cas d’usage (l’activation de vos données 1st party dans des plateformes d’achat média), là où les CDP traditionnelles proposent, historiquement, une approche “full package” et vous facturent des fonctionnalités que vous n’utiliserez pas forcément.
On est sur un ticket d’entrée de 20 à 50 000 euros par an pour une CDP composable alors que le tarif de la CDP traditionnelle monter jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros par an
“On est sur un ticket d’entrée de 20 à 50 000 euros par an pour une CDP composable alors que le tarif de la CDP traditionnelle la plus abordable du marché début à 50 000 pour monter jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros par an, en ce qui concerne les RollsRoyce du marché”, chiffre Oussama Ghanmi. En s’intégrant aux systèmes existants, les CDP composables évitent, par ailleurs, les problèmes de duplication de données, ce qui garantit une cohérence dans celles qui sont utilisées. “La CDP composable supprime les silos entre les infrastructures data et les outils opérationnels. Tout part du même endroit”, précise Oussama Ghanmi.
“C’est sûr que si vous avez déjà investi dans un data warehouse, au sein duquel vous stockez des données comportementales, transactionnelles et/ou offline, vous n’avez pas nécessairement besoin de refaire de même au sein d’une CDP tiers”, confirme Philippe Kuhn. D’autant que c’est rassurant d’un point de vue “privacy” d’avoir ses données stockées uniquement stockées dans le cloud de l’entreprise. “On parle, dans le jargon, de ‘zero copy”, précise Philippe Kuhn.
La CDP composable surfe sur l’explosion des data warehouses
Les CDP composables surfent sur le succès des infrastructures cloud. “Un marché qui est en croissance de 35% jusqu’en 2030”, chiffre Oussama Ghanmi. Si les entreprises qui partaient de zéro y sont allées d’office, la plupart des grandes entreprises ont, à leur tour, entrepris des démarches vers le cloud, à mesure qu’elles internalisaient le sujet de la data, faisant de la vision client 360 un enjeu majeur.
Quant à celles qui n’auraient pas forcément les moyens de structurer leurs équipes sur ce sujet, en recrutant des analytics engineers, des data architects, des product owners ou des data scientists, pour construire des couches algorithmiques par-dessus tout ça, elles peuvent toujours faire le choix de l’externalisation.
“Vous pouvez accélérer votre maturité en ayant recours aux services d'un prestataire, qui vous aidera à construire votre socle data, structurer votre data warehouse d'activation et le maintenir.”, rappelle Jonathan Dupasquier, directeur data chez M13h.
Une recommandation que partage Oussama Ghanmi, qui enjoint les entreprises à se poser la question suivante avant de se lancer : veulent-elles devenir data driven ? “Ce n’est pas la peine de parler de CDP composable s’il n’y a pas, en amont, la volonté de devenir autonome et de monter en expertise sur le sujet de la business intelligence.”
Les CDP traditionnelles sont-elles condamnées par l’avènement du cloud ? Beaucoup d’entreprises attendent, à en croire Oussama Ghanmi, le terme de leur contrat pluri-annuels avec leur prestataire historique pour s’engouffrer dans la brèche “composable”. “Un client sur deux a eu recours à une CDP traditionnelle qui n’a pas répondu à ses besoins ou n’est plus utilisée”, assure le dirigeant. Et d’expliquer avoir déjà déployé des cas d’usages avec des acteurs qui sont équipés à côté… mais anticipent la suite. C’est le cas d’Interflora qui est chez Bloomreach ou Ankorstore chez Segment.
D’autant que la CDP composable rend également, du fait de sa modularité, le lancement des premiers cas d’usage beaucoup plus rapides. “On réussit à implémenter, durant la phase de test de 30 jours, des cas d’usages qu’ils ont attendu des mois durant chez leurs prestataires historiques, tout simplement parce que ces derniers n’étaient pas capables de leur créer des connecteurs spécifiques”, assure Oussama Ghanmi. Un constat que semble partager Jonathan Dupasquier : “vous pouvez effectivement sortir en trois mois ce qui vous prendra 1 an avec une CDP traditionnelle.”
Côté fifty-five, on observe que les choses ont changé au second trimestre 2024. “Pas mal de clients sont venus nous voir, un peu paumés quant à leurs options, composables ou non”, se souvient Philippe Kuhn. L’expert, qui a fait à l’époque beaucoup de pédagogie sur le sujet, observe que ses équipes opèrent désormais plus de projets de déploiement de CDP composables que de traditionnelles et que cela ne devrait que s’accélérer en 2025.
Jonathan Dupasquier reste, lui, plus mesuré. D’abord parce que, comme il l’a rappelé plus haut, le déploiement de CDP composables nécessite une maturité et des infrastructures cloud que tous les annonceurs n’ont pas. Mais aussi parce que, si la technologie est très efficace quand il s’agit d’activer votre donnée 1st party en média (la plupart des outils d’achat ayant mis en place les API nécessaires), c’est une autre histoire pour les cas d’usages plus élaborés.
“Sur des scénarios plus avancés, comme la gestion d’un consentement global multi-canal, vous aurez plutôt intérêt à passer par une CDP traditionnelle.” L’expert observe, par ailleurs, que certaines entreprises sont marquées au fer rouge par leur héritage technologique. “C’est compliqué, quand vous avez des intégrateurs dédiés à Adobe ou Salesforce en interne, de faire la bascule.” Un avis que Philippe Kuhn partage aussi : “ce n’est pas évident de renverser la table, quand le marketing et le business dépendent directement de projets d’activations liés à la CDP.”
Soit les CDP traditionnelles se rendent plus composables, soit elles meurent.
Jonathan Dupasquier enjoint, néanmoins, les acteurs “mid market”, comme Segment, Tealium ou Treasure Data à devenir hybrides, pour accompagner leurs clients dans cette transition. Philippe Kuhn ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme que “soit les CDP traditionnelles se rendent plus composables, soit elles meurent.”
C’est le cas de Segment, qui a lancé début 2022 une fonctionnalité baptisée “Linked audience”, qui lui permet de créer des audiences à partir d’un data warehouse. Ou de Treasure Data, qui a déployé un connecteur avec Snowflake baptisé “Live connect”. Autant d’initiatives qui laissent Oussama Ghanmi (forcément) un peu dubitatif, “car elles tiennent plus du marketing que d’autre chose.”
A l’inverse, les CDP composables vont devoir, de l’avis de Jonathan Dupasquier, proposer des modules plus intelligents en matière de segmentation, “pour être autre chose qu’un simple tuyau à données. “C’est nécessaire pour permettre à leurs utilisateurs de faire du scoring d’audiences avancées, comme les visiteurs qui ont vu tel type de page produit”, poursuit l’expert. Ou lui faire des recommandations sur des audiences à conserver / activer.
Composables ou non, les CDP vont devoir, à leur tour, prendre le virage de l’IA générative. Il ne fait pas de doute que l’arrivée d’agents auxquels l’utilisateur pourra sous-traiter la mise en place des requêtes SQL enlèvera une grosse barrière à l’entrée concernant l’utilisation la technologie. Pas plus qu’il ne doute que l’arrivée d’un nouveau concurrent de taille, tel que Meta, pourrait rebattre quelques cartes. Avec son Signals Gateway, le groupe dirigé par Mark Zuckerberg nous a sorti un nouvel outil qui a tout de la CDP composable…