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Andrew Casale (Index Exchange) : “Oui, les SSP sont de simples tuyaux et c’est la raison pour laquelle ils ne devraient pas prendre de marges excessives”

Open Garden. Vous venez d’annoncer un partenariat de plusieurs millions de dollars avec le fond First Party Capital pour investir dans l’adtech. Pour quelle raison ?
Andrew Casale. Pour accompagner toutes ces start-up spécialisées dans la publicité, qui ont vocation à se développer en s’appuyant sur les infrastructures existantes, comme celle d’Index Exchange.
Je pense qu’elles vont être nombreuses, pour s’éviter des frictions ou des coûts inutiles, à préférer s’appuyer sur les plateformes existantes, plutôt que d’essayer de les remplacer. Notamment dans l’IA, qui va disrupter le secteur de la publicité, à n’en pas douter.
A l’image de Chalice et Cognitiv, avec lesquels vous avez récemment noué des partenariats ?
C'est un excellent exemple. L'idée de conteneuriser les modèles d'algorithmes d'enchères personnalisés, comme nous l’avons fait avec Chalice, nous permet d’aller vers des modèles “at scale”, sans avoir à recourir à des solutions cloud telles que AWS ou GCP, qui seraient très coûteuses et auraient également un impact carbone.
Chalice fait-il partie de ces entreprises “AI first” susceptibles de disrupter le secteur de la publicité ?
Chalice est un bon exemple de ces entreprises qui appliquent l'IA à leurs produits et aux problèmes qu'elles cherchent à résoudre, comme les algorithmes d'enchères personnalisés. Il existe de nombreuses entreprises installées dans ce domaine, qu'il s'agisse de Nodals AI, 59A, Fenestra ou Cognitiv. Nous vivons une époque excitante.
On parle beaucoup depuis la fermeture annoncée de Xandr DSP de la révolution IA agentique. Celle-ci peut-elle menacer l’ère des DSP, SSP ou de l’Open RTB ? Avec des traders qui promptent un outil d’achat qui va, via un protocole agent-to-agent, acheter de la publicité chez un fournisseur d’inventaire…
C’est évidemment très difficile de se prononcer à ce stade mais il est raisonnable de supposer que l'ensemble du marché, tel que nous le connaissons, sera bouleversé par l'ère agentique.
Le protocole OpenRTB existe depuis 15 ans. Continuera-t-il à se développer dans un avenir dominé par les agents ? Difficile à dire.
Mais je ne pense pas forcément que l'un remplace l'autre. Les agents auront toujours besoin d'une infrastructure centrale à laquelle se connecter. Ils auront toujours besoin d'un moyen d'effectuer des transactions à grande échelle. L'argent devra toujours être échangé. Il est donc plus probable qu'OpenRTB évolue, s’adapte à ce nouveau paradigme, en devenant plus léger et agile, plutôt qu’en disparaissant complètement.
Ceci étant dit, tout est possible. Il suffit de voir qu’il suffit de 10 millisecondes pour interroger les algorithmes de custom bidding branchés à Index Exchange, contre 200 millisecondes pour une enchère dans le protocole Open RTB. Ces algorithmes sont 20 fois plus rapides pour déterminer si une enchère est susceptible de générer une conversion ou non. C’est remarquable et peut-être que d’ici un an ou deux, il leur faudra à peine une milliseconde.
Index Exchange est l'un des rares géants de l’adtech à être toujours détenu par ses fondateurs sans aucun financement extérieur. En quoi cela vous différencie-t-il de vos concurrents, tels que Magnite et Pubmatic qui sont cotés en bourse, ou même Equativ, qui a récemment été racheté par un fonds privé ?
La principale différence, c'est que nous ne rendons pas de compte à des investisseurs traditionnels mais à nos clients. Et qu’au lieu d’être obnubilés par l’amélioration de notre marge, pour mieux rémunérer ces investisseurs, notre priorité est plutôt d’orienter les investissements publicitaires vers les médias qui sont le plus efficaces. En bref, de mieux servir nos clients, qui sont les éditeurs. Ce qui est, d’ailleurs, un autre point différenciant, car nous nous concentrons uniquement sur le volet “sell-side”.
Ceci étant rappelé, je reste convaincu qu’Index Exchange deviendra, à terme, une société cotée en Bourse. Même si nous n’avons pas fixé de calendrier précis pour cela. En attendant, nous avons le luxe de pouvoir réfléchir “long terme” là où certains de nos concurrents sont obnubilés par leurs résultats du trimestre prochain et ce qu’en penseront les marchés. Nous sommes là depuis près de 20 ans et nous faisons des paris long terme.
C’est un propos que j’entends souvent “Index Exchange a une politique tarifaire beaucoup moins agressive que les autres SSP, parce qu’il a une pression financière moindre et, le jour où il s’introduira en Bourse, que ses marges moindres seront rendues publiques, les autres SSP auront bien du mal à s’aligner là-dessus”.
Eh bien ce n’est pas faux ! Je l’ai d’ailleurs déjà déclaré publiquement, j’aimerais être le “Visa” de notre catégorie. Je ne pense pas qu’une plateforme de notre genre doive prendre des marges excessives. Je pense que nous devrions être une couche d'infrastructure très fine, qui fonctionne à une échelle incroyable et qui est très efficace.
On entend souvent dire que les SSP sont de “simples tuyaux”. Eh bien je suis d’accord avec ça, contrairement à la plupart de mes concurrents. Nous verrons bien qui aura raison à la fin !
J’en reviens à la vocation que j’évoquais au début : aider de jeunes entreprises à bâtir une offre au-dessus de notre infrastructure. L’équation économique ne serait pas tenable si cette infrastructure leur coûte trop cher, parce qu’elle prend trop de marge. C’est la raison pour laquelle beaucoup choisissent Index Exchange aujourd’hui.
Notamment sur le sujet des curated marketplaces, pour lesquelles vous ne prélevez aucun frais, contrairement à la plupart de vos concurrents qui prennent entre 10 et 25%. Ce qui vaut d’ailleurs, à la pratique, son lot de critiques en France…
Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que la curation est une bonne innovation mais qu'elle est dévoyée par des acteurs peu scrupuleux, qui pratiquent des marges élevées. C’est tout le problème de notre marché, qui est pollué par des intermédiaires qui apportent peu de valeur et gagnent beaucoup trop d’argent.
C’est sain que des voix s’élèvent pour dénoncer cela et je pense que le marché se régulera de lui-même. Qu’il s’agisse des “curators” qui seront progressivement évincés, parce qu’ils prennent plus que ce qu’ils méritent, ou des SSP qui auront de plus en plus de mal à justifier le fait qu’ils prélèvent une commission sur ce type de service.
“Je ne doute pas que d’autres SSP feront comme Index Exchange, en ne prélevant aucun frais sur l’activité de curated marketplace”
Tout simplement parce que l’intelligence est apportée par un tiers et pas par le SSP, qui se charge simplement de les intégrer à la transaction, comme il le fait aussi sur de l’open auction. Raison pour laquelle Index Exchange ne prélève aucun frais là-dessus et, je n’en doute pas, d’autres SSP feront bientôt de même.
La curation reste une pratique encore très jeune. Rappelez-vous les débuts du header bidding, quand il s’agissait surtout d’un outil pour faire du retargeting à grande échelle et que certains craignaient qu’il achemine la même demande vers la même supply, mais de manière plus fastidieuse. 10 ans plus tard, l’outil a révolutionné notre marché, au point que Google a, selon une enquête de la Justice américaine, mis beaucoup d’efforts pour y mettre un terme.
Pour en revenir au fond du sujet, c’est une bonne chose que l’on puisse, côté sell-side, enrichir les bid riquests, y apporter de la valeur, plutôt que de laisser cette tâche aux acheteurs, en croisant les doigts pour qu’elles trouvent preneurs. C’est ce que nous aappelonschez Index Exchange, le “sell-side decisioning”.
A ce sujet, on voit que des SSP comme Pubmatci, Magnite ou Equativ se sont positionnés côté buy-side, quand The Trade Desk a, lui, lancé Open Path pour se brancher au sell-side. Pourquoi ne pas suivre cette vague des “programmatic direct platforms” qui sont branchés des deux côtés, pour reprendre l’expression du CEO d’Equativ, Arnaud Créput ?
Le terme que vous évoquez n’est pas encore bien établi et, pour être honnête, je ne suis pas sûr qu’il le devienne. Pour en revenir à votre question, c’est amusant car c’était exactement ce qui se passait sur le marché du programmatique, il y a 20 ans. Tout le monde, y compris Index Exchange, qui s'appelait alors Casale Media, était à la fois acheteur et vendeur.
Le problème, c’est le conflit d’iintérêt puisque le côté “buy side” oeuvre pour la marque, qui veut obtenir le meilleur ROI, alors que le côté “sell side”, oeuvre pour l’éditeur, qui veut obtenir le meilleur CPM. Et que je ne vois pas comment les deux sont compatibles, puisque l’objectif du premier est de payer le moins cher possible.
C’est précisément ce qui a conduit le marché à se scinder en deux, entre DSP et SSP et je doute que ce soit une bonne chose que de revenir là-dessus. C’est la raison pour laquelle vous ne pouvez pas dépenser un dollar via Index Exchange, sans passer par un DSP.
Des DSP avec lesquels la relation, notamment The Trade Desk, n’a jamais été aussi forte parce que nous continuons à développer des fonctionnalités qui leur permettent d’être plus efficaces.
Idem pour Amazon DSP, qui n’était pas dans le paysage il y a deux ans ?
C’est vrai qu’ils connaissent une croissance exceptionnelle et se développent notamment dans le domaine de la télévision connectée (CTV). Ce qui prouve, au passage, qu’il existe encore une forte concurrence sur le marché des DSP.
On arrive à la fin de cet entretien, pouvez-vous nous partager les piliers de votre feuille de route pour les années à venir ?
Les trois grandes priorités stratégiques de notre entreprise restent inchangées, avec le streaming en tête. Nous constatons une croissance rapide du streaming, en particulier sur le marché américain. Il représente désormais un tiers de nos revenus et cette tendance se poursuit.
De quel inventaire disposez-vous ? Parce que, pour être honnête, j'entends souvent parler de Magnite grâce à ses deals Svod, Freewheel avec la Bvod, voire Equativ via Titan OS, moins de vous, là-dessus….
Et pourtant, nous travaillons avec du beau monde. Je peux vous citer notamment : M6 Publicité, RMC BFM Ads, AMC Networks, CNN Europe, Dazn, Dailymotion, Fox Corporation, LG, NewsUK, Paramount Global, FuboTV, Philo, Roku, Samsung, TitanOS, Tubi, Warner Bros. Discovery.
D’ailleurs, la deuxième priorité, c’est le déploiement d’une offre sur le live, qui se développe dans l’univers du streaming, via le sport notamment, et qui a besoin de standards programmatiques. Nous participons activement au groupe de travail que le Tech Lab consacre au sujet, tout comme à celui du partage des données relatives au programme associé à la publicité, pour apporter plus de transparence.
Enfin, il y a le sujet de la curated marketplace, que nous avons évoqué, avec l’enjeu de permettre à nos partenaires de construire toujours plus facilement et rapidement sur Index Exchange, avec toujours plus de signaux à leur disposition. Voilà, ce sont nos trois priorités parmi des centaines, voire des milliers de chantiers en cours !