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Avec AdCP, la pub digitale veut en finir avec les enchères programmatiques et basculer dans l’ère agentique

Et si les acheteurs médias n’avaient qu’à exprimer leurs besoins et les éditeurs à y répondre, sans qu’il n’y ait besoin de passer par une cascade d’intermédiaires programmatiques et une logique d’enchères, comme c’est le cas actuellement ?
C’est tout l’objectif d’un nouveau consortium, porté par une vingtaine d’acteurs du secteur (dont Scope3 et Pubmatic), qui veut faire basculer le marché de la publicité digitale dans un tout nouveau paradigme.
Ce projet collaboratif, baptisé AdCP pour advertising context protocol, est pensé comme une variante “adtech” du MCP, ce protocole qui définit un cadre standard pour faire communiquer un agent IA avec des services, des données externes ou d’autres agents.
“L’objectif, c’est d’imaginer un standard ouvert qui permet aux agents IA des acteurs de l’adtech d’échanger entre eux”, illustre Auxandre Stephan, product marketing manager chez Locala, qui figure parmi les premiers membres.
C’est, par exemple, à un agent DSP qui interrogerait un agent SSP pour connaître l’inventaire qu’il a disposition et qui répond à ses exigences en matière de reach, prix ou ID.
De la même manière qu’OpenRTB a standardisé les enchères en temps réel du programmatique, AdCP veut donc standardiser la communication agent-to-agent des plateformes publicitaires. Pour permettre à un agent IA de transiger directement sans, qu’à terme, une enchère en temps réel ne soit nécessaire pour chaque impression.
C’est, vous l’aurez sans doute compris, un changement de paradigme pour le marché pub.
Plus besoin, dans cette configuration, que l’acheteur média configure manuellement une campagne (avec ses ciblages, ses objectifs de performance).
Il se contente de donner un objectif “high level” en langage naturel : “Je veux atteindre des acheteurs de voitures de luxe éco-responsables au France avec de la vidéo premium, tout en maintenant un CPM inférieur à 25 euros.”
L’agent découvre alors les audiences pertinentes et leur prix, identifie les inventaires adéquats, négocie avec les agents éditeurs, active les campagnes et les optimise de manière autonome, avec évidemment une supervision humaine aux étapes clés.
“L’une des grandes promesses de ce protocole, c’est de permettre d’externaliser l’accès à des données historiquement hébergées au sein d’une plateforme”, explique Auxandre Stephan.
Concrètement, AdCP permettrait à l’agent de planning d’une agence média d’interroger Locala pour avoir le reach d’un ciblage géolocalisé spécifique, sans que l’acheteur ait besoin de se connecter à la plateforme.
On enlève une friction de taille et on facilite, ce faisant, les possibilités de collaborations entre outils.
On pourrait ainsi imaginer une agence média, comme Havas Media, faire converger au sein de sa plateforme Converged, tout son écosystème d’outils d’achats (DSP, Google Ads, Meta Ads) et y déverser des segments d’audience créés à partir d’interactions agentiques avec des apporteurs de datas tierces ou le data lake d’un client….
Cette bascule, si elle s’effectue, aura plusieurs conséquences pour le marché :
Suppression des intermédiaires de la chaîne programmatique. Surtout ceux qui n’ont aucune autre valeur ajoutée que de multiplier les branchements entre l’offre et la demande, sans y ajouter aucune intelligence et/ou donnée.
De quoi mettre un bon coût de pied dans cette fameuse adtech tax, qui avoisine les 40% du budget programmatique, et qui part chez des acteurs à faible valeur ajoutée.
Si le header bidding a fait appel d’air pour bien des adtech, en remettant pas mal de SSP dans le jeu, AdCP risque bien d’avoir l’effet inverse.
En supprimant, à terme, la nécessité d’enchérir sur chaque impression, AdCP éliminera plusieurs couches d’intermédiaires et réduira aussi considérablement la charge computationnelle.
Pas anodin quand on sait que la plupart des DSP et SSP sont aujourd’hui contraints de s’adonner à du bid throttling (ils n’écoutent qu’un pourcentage des bid requests qui leur sont envoyées) pour économiser des frais serveurs.
Non seulement plus besoin de throttling, mais on va aussi progressivement s'éloigner des taxonomies rigides, comme celles relatives aux catégories de contenu, estime Raphaël Ambit, le fondateur d’Epicflare.
“Grâce à leur nature conversationnelle et adaptative, les systèmes agentiques vont rendre l’identification des poches d’inventaires les plus pertinentes bien plus souple, accessible et enrichie de multiples points de vue.”
Remise en question du modèle “managed services”. C’est, aujourd’hui, la vache à lait de pas mal de sous-régies / resellers, qui profitent du manque de ressources des agences médias, voire de leur manque d’expertise pour certains médias très spécialisés, pour gérer en eux-mêmes une partie de leurs budgets.
L’agence média passe un OI au reseller, qui se charge de l’achat programmatique et prélève, au passage, une confortable marge.
Difficile de voir une telle pratique perdurer dans un monde où les agences médias peuvent très facilement être autonomes, les agents se chargeant de passer eux-mêmes les ordres transmis par l’acheteur média.
Décloisonnement de tout l’écosystème média, walled gardens y compris ? OK, là je m’avance un peu mais si les Meta, TikTok et autres Google jouent le jeu, on peut imaginer que tout l’écosystème publicitaire digital (et même le offline - TV, DOOH, radio - s’il se met à l’agentique) réunit au sein d’un même framework.
De quoi permettre aux acheteurs de comparer les offres et performances de tout ce petit monde en temps réel. On n’a à ce stade aucune indication de la volonté des GAFA de s’y mettre mais il ne faut pas oublier que Google est derrière le protocole open source A2A et que, si les annonceurs mettent la pression à tout ce petit monde, la bascule est envisageable.
Il y a bien sûr pas mal de points d’interrogations que Raphaël Ambit, fondateur d’Epicflare, soulevait dans notre article “Les agents IA peuvent-ils vraiment remplacer les DSP ?”. Les plus importants étant la vitesse et le coût.
“L’Open RTB est affaire de quelques dizaines, voire centaine de millisecondes, exigence que la Generative AI telle qu’on la connaît aujourd’hui ne satisfait pas encore pleinement”, rappelait notre expert.
Quant au coût, c’est un autre sujet. Une transaction, c’est quelques centimes d’euros. Ce qui pose la question de la rentabilité d’un decisionning basé sur de l’agentique et des puissances de calcul élevées (quand bien même on réduit considérablement le nombre d’interactions en supprimant la logique d’enchères).
“AdCP n'est pas un protocole d'exécution, c'est un protocole de planification et d'orchestration, qui fonctionne de façon asynchrone, résume Raphaël Ambit. Il couvre le travail de préparation des transactions, qui s’effectue en amont et qui était, jusqu'à présent, très manuel. Il opère un niveau au-dessus de la couche d'exécution transactionnelle habituelle.”
Pour résumer, nous ne sommes pas sur de l’A2A real-time qui viendrait remplacer l’OpenRTB. L'exécution des transactions fonctionne toujours sur une base instantanée avec les méthodes traditionnelles. Pour l’instant…
Infos pratiques :
L’initiative, rendons à César ce qui appartient à César, a été initialement poussée par Brian O’Kelley et les équipes de Scope3 qui sont parmi les plus avancées sur ce sujet, depuis le lancement de leur “Brand Standards”.
Le protocole est gouverné par un groupe de travail neutre, représentant toutes les parties prenantes - éditeurs, annonceurs, agences et plateformes adtech - et n’appartient donc à aucun acteur unique (ce qui serait évidemment problématique).
Il est, en revanche, un peu étonnant que l’IAB Tech Lab, l’institution qui chapeaute ce genre d’initiative, n’est pas été associé à la démarche.
Forcément un désaveu pour le Tech Lab dont la côte de popularité semble au plus bas alors que prebid avait, lui aussi, décidé de bouger seul sur le sujet du Transaction ID. Prebid qui a d’ailleurs, de son côté, annoncé lancer un groupe de travail dédié au sujet à l’occasion de son Prebid Summit.
Le protocole AdCP est disponible dès aujourd’hui pour toute entreprise souhaitant le mettre en œuvre.
Deux protocoles sont déjà en production : Audience Activation et Media Buy.
Le code source est disponible sur GitHub et la documentation complète sur adcontextprotocol.org.
Les premiers tests à grande échelle devraient intervenir dans les prochains mois, à mesure que les agences et éditeurs pilotent les premiers cas d’usage d’achat agentique.