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CGV 2026 : la télé française entre contenus premium, plateformisation et hyper-distribution

C’est l’heure des CGV, ce moment de l’année où les principales régies dévoilent leurs nouvelles grilles commerciales. Côté prix, une inflation modérée, qui avoisine les 3%. Côté offre, un virage vers la plateformisation et l’hyper distribution qui doit permettre aux régies de faire en sorte que la télé reste incontournable à l’heure où Netflix et Prime avancent leurs pions.
1° Rappeler la force du linéaire (et notamment celle du prime côté TF1 Pub)
TF1Pub l’avait annoncé il y a un an, la régie mettra bien en application, début 2026, ce qui sera, à en croire sa patronne, Sylvia Tassan-Toffola, la “refonte commerciale la plus radicale depuis une décennie et l’arrivée du MPi hybride.” Une refonte qui, précise la dirigeante, a imposé de revoir toute l’infrastructure tech et le processus de facturation de la régie.
La régie va désormais scinder son inventaire en deux : le Reach, qui regroupe l’inventaire multi-chaînes (TNT, thématiques, day/access/night), qui sera vendu en garanti, et le Peak, qui sanctuarise les écrans de prime time de TF1, en spot à spot. Cette offre permettra aux annonceurs d’accéder à un GRP, en moyenne 6 fois plus puissant sur la cible 25-49 ans, promet TF1 Pub.
“Elle permettra aussi de réintéresser les traders médias aux sujets de programmation”, explique Sylvia Tassan-Toffola, qui précise que les plannings de réservation seront ouverts en novembre.
La programmation, notamment celle liée au live et l'événementiel, reste l’ADN du linéaire. On ne doute pas que les investissements conséquents de M6 en matière de droits sportifs, avec la diffusion de la coupe du monde de football et de ses 54 matches en clair, en 2026, permettront à sa régie, qui s’est rebaptisée M6 Unlimited, de faire de même.
Pour rentabiliser un événement sur lequel la chaîne a investi plus de 100 millions d’euros, la régie assure avoir sorti l’artillerie lourde, même si l’on n’en saura pas plus à ce stade. “Nos offres TV, digitales, radio et OPS seront publiées en janvier”, précise son DGA, Tristan Lemoine. Une plateforme dédiée aux pré-réservations des inventaires sera mise en ligne dès février.
On lui souhaite le même succès que celui qu’a connu FranceTV Publicité à l’occasion des JO de Paris. Un événement sur lequel France Télévisions continue de surfer, à en croire Vincent Salini, directeur du digital chez FranceTV Publicité qui rappelle que “le groupe est le premier média en linéaire, avec 32% de part d’audience, et en streaming (quotidien ET mensuel)”.
Côté Canal+, on capitalisera sur les piliers historiques (Champions League, F1, rugby, créations originales) avec une innovation de taille : de nouveaux écrans premium en mi-temps de Ligue des Champions et en contexte.
Dans un marché sous pression, les écrans événementiels redeviennent l’arme ultime de différenciation. Même si cela pourrait ne pas durer alors que Netflix comme Prime Video multiplie les expérimentations sur le sujet. Côté tarif, l’inflation est attendue autour des 3%, même si elle sera évidemment ajustée en fonction des négociations avec les différentes agences médias.
2° Plateformisation et self-service : la TV s’inspire du digital
Dans un univers pub où Google et Meta ont érigé le “self-service” en norme, les trois régies convergent vers une même promesse : simplifier et automatiser l’accès à la publicité télé et vidéo.
TF1 annonce de son côté, qu’il lancera en 2026 son TF1 Ad Manager, un guichet unique transactionnel et serviciel, intégrant simulateur d’audience en temps réel, chatbot IA et modules de formation.
“Les clients pourront y acheter notre inventaire en gré à gré ou programmatique, sécuriser tous les documents utiles, contrats et études, tout en se formant à nos nouveaux outils, via des modules de certification”, résume Sylvia Tassan-Toffola.
La dirigeante rappelle qu’il est “indispensable de connecter les enjeux marketing, médias et business d’annonceurs qui sont de plus en plus dans une logique de communication always on.” Elle précise également que sa plateforme All Buy Myself, qui a été lancée en janvier dernier pour vendre sans engagement du spot à spot s’ouvrira, courant 2027, au garanti et au parrainage.
FranceTV Publicité mise aussi sur l’IA pour faire basculer sa plateforme d’achat “total video”, ADspace, dans une nouvelle dimension. Les annonceurs pourront bénéficier de recommandations de plans médias adaptées à leurs objectifs de campagnes et aux disponibilités de l’inventaire de FranceTV Publicité.
Le ciblage s’effectuera sur des segments socio-démo de Médiamétrie ou du contextuel, avant de s’ouvrir à d’autres typologies, plus intentionnistes, comme les acheteurs d’une catégorie.
L’activation des campagnes sera opérée par la régie dans une logique de “managed services” . “Nous voulons lancer la brique self-service d’ici la fin du premier semestre 2026”, précise Vincent Salini.
De self-service, il est aussi question côté M6, qui veut rendre tout son spot à spot achetable par ce biais, pour booster la part de ce dernier dans les revenus générés par la plateforme. “Nous travaillons main dans la main avec les agences médias pour leur proposer un outil adapté”, explique Tristan Lemoine.
Le dirigeant n’en oublie pas, pour autant, la longue traîne, pour laquelle il prépare un Ad Manager dédié, intégrant IA et capacité de créer des formats publicitaires de manière automatisée, grâce au partenariat technologique noué avec Waymark, pour diffuser des campagnes au sein de M6+
Objectif commun : élargir la base clients au-delà des grands comptes, séduire PME/PMI (un enjeu déjà évoqué sur Open Garden) et répondre aux standards des pure players digitaux, sans renier la puissance du broadcast. “Ce quoi doit permettre à la TV de passer de ses 4 000 annonceurs actuels à une dizaine de milliers”, prophétise Tristan Lemoine.
Le lancement d’une plateforme commune à toutes les chaînes françaises, comme celle lancée par les chaînes anglaise avec Freewheel outre-Manche, ne semble, en revanche, pas d’actualité. Vincent Salini qui rappelle avoir été moteur sur l'alliance TV Retail Connect, se dit “à l’écoute d’une initiative de ce genre”. Mais TF1 Pub, qui parlait pourtant d’une plateforme techno interopérable lors de ses CGV 2025, semble en avoir fait son deuil.
“On voit que chaque régie mise plutôt sur le développement de sa plateforme, observe Sylvia Tassan-Toffola. Sans compter que l’arrivée d’IA qui viendront en surcouche de ces plateformes, permettra sans doute de centraliser tout celà côté acheteurs.”
3° L’hyper-distribution pour aller chercher du reach incrémental
Le maître-mot de cette année, c’est l’hyper-distribution pour le reach. Et tant qu’à faire du reach incrémental, en allant s’associer, dans une logique de coopétition assumée, à des plateformes qui captent une population qui s’est détournée de la télévision historique…
Si TF1 a marqué les esprits en annonçant, lors des Cannes Lions, que son catalogue rejoindrait celui de Netflix en juillet 2026, FranceTV Publicité a, en réalité, été le premier à tirer puisque son offre linéaire et streaming est proposée au sein de Prime Vidéo depuis cet été.
Vincent Salini ne communique, à ce stade, pas sur les premiers résultats d’audience, mais il se dit “très satisfait des débuts, avec des premières études quali très satisfaisantes, même si, côté UX, certaines choses restent à affiner”.
M6, qui a récemment communiqué sur un deal avec Forvia pour installer M6+ dans les applications des BMW et des Mini, n’est pas en reste. La chaîne devrait, selon nos informations, officialiser un partenariat de ce genre dans les jours à venir. “Ces grandes plateformes offrent de véritables opportunités en matière de distribution, sous réserve de garder la main sur la monétisation”, analyse Tristan Lemoine.
Précisément ce qu’ont aussi fait TF1 Pub et FranceTV Publicité avec Netflix et Amazon, “en gardant la main sur la chorégraphie publicitaire”, rappelle Vincent Salini. A noter que l’inventaire des deux broadcasters sera le seul moyen, pour les annonceurs, de toucher les clients Netflix et Prime Video qui sont abonnés à l’offre sans publicité.
Difficile, enfin, de ne pas mentionner Canal+ Brand Solutions quand on parle d’hyper distribution puisque sa plateforme MyCanal en a fait, depuis plusieurs années, le maître mot de sa stratégie de distribution.
La plateforme revendique d’ailleurs +60% d’inventaire digital en 2026, grâce aux partenariats noués avec HBO Max, Free AVOD et l’ouverture en clair de l’application, évoquée plus haut, avec résumés Champions League et contenus premium gratuits.
4° Attention, interactivité et formats shoppables
La télévision ne se contente plus de vendre des GRP : l’attention devient le nouvel indicateur clé de valeur. Les régies intègrent désormais des dispositifs pensés pour capter l’œil et prouver l’efficacité sur tout le funnel.
Canal+ Brand Solutions pousse cette logique un cran plus loin avec une promesse claire : limiter la pression pour maximiser la mémorisation. La régie a mesuré l’efficacité de sa chorégraphie pub ultra-courte (2 pre-rolls vs 5) : +26 points sur le top of mind, +12 points sur les émotions positives et +11 points sur l’image de marque, avec un effet direct sur les intentions d’achat. Une approche premium qui vise autant la qualité de contact que la répétition brute.
Chez FranceTV Publicité, l’intégration de KPIs attentifs dans les outils du marché est annoncée pour 2026. TF1 Pub enrichit son offre avec des formats interactifs (Cover+, In-content banner, Adpause) et des OPS innovantes comme Promo Boost ou Stunt+. “M6 Unlimited, de son côté, veut accélérer sur les formats shopping in-video et les intégrations contextuelles via IA”, explique Tristan Lemoine.
Côté formats, Canal mise sur l’innovation : Grand Format pour sublimer les spots longs, Adaptations IA qui contextualisent le message selon les univers de consommation, et des dispositifs inspirés du streaming international comme Moments Targeting ou Shop with Max sur HBO Max.
La régie ouvre aussi de nouveaux terrains expérientiels : publicités embarquées dans les voitures connectées (“In car spot”) et premières expériences immersives avec Apple Vision Pro, transformant la publicité en contenu à part entière (“Brand visio pro”).
Une tendance commune se dessine : de l’interactivité à l’immersion, la TV se rapproche des codes du e-commerce et du digital, tout en cherchant à démontrer que ses environnements premium génèrent une attention plus forte et plus qualifiée que celle des plateformes globales.
Vers une nouvelle ère de la TV publicitaire
Derrière ces annonces, une même équation : comment maintenir la valeur du média télé face à la contraction du linéaire, à la montée des plateformes globales et à l’exigence de performance business des annonceurs ?
La réponse passe donc par un triptyque clair :
Sacraliser le linéaire (et notamment le prime chez TF1) comme un actif premium incontournable
Plateformiser l’achat pour élargir le marché et coller aux exigences de flexibilité des acheteurs digitaux
Exploiter la data et l’attention pour démontrer la valeur incrémentale de la TV/CTV.
Les CGV 2026 ne sont pas qu’un exercice tarifaire : elles dessinent les contours d’un marché où la frontière entre TV, streaming et digital disparaît. Et où les régies françaises entendent bien tenir leur place face aux géants du streaming…
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