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Retail media : quel avenir face à la vague agentique ?

C’est depuis l’annonce du lancement d’Atlas, le tout nouveau navigateur d’OpenAI, sans doute une question qui trotte dans la tête de pas mal de décideurs du secteur : quel sera l’impact de la vague “IA agentique” sur le secteur du retail media ?
Dit autrement, à quel point l’essor des assistants IA menace ce marché encore jeune mais florissant (Warc table sur 176 milliards de dollars de revenus dans le monde cette année) ? Un marché qui va devoir composer avec une équation peut-être insoluble : peut-on continuer à vendre des publicités aux marques quand celles-ci sont de plus en plus vues (sans effet) par des agents plutôt que par des humains ?
J’encourage les plus sceptiques à tester, comme je l’ai fait, Atlas. Pour voir comment l’on peut confier au navigateur de ChatGPT le soin de mettre tous ses produits en panier et ainsi complètement zapper les différents emplacements publicitaires qui égrènent le parcours d’achat. C’est, pour le moment très lent, mais c’est peut-être l’avenir du e-commerce.
Si l’utilisation de ce genre d’outils est encore marginale, leur démocratisation impacterait sans nul doute les revenus publicitaires des retailers, qui reposent, pour l’instant en majorité, sur des formats vendus on-site : qu’il s’agisse du produit phare, le “sponsored product, qui repose sur les recherches effectuées au sein de leur site, ou des formats display “on-site”.
Car si la phase de découverte des produits se déplace en amont, vers des assistants AI universels, les budgets publicitaires suivront forcément (d’autant que la plupart de ces assistants n’ont pas fait mystère de leur ambition de mettre en place une offre publicitaire contextuelle). Impact direct, donc, sur tous les revenus on-site des retailers (sponsored product, display, video) sur lesquels ils margent d’au moins 70%.
Impact aussi sur leurs revenus liés à l’extension d’audience puisque si une majorité de retailers rejoint le programme CheckOut d’un Open AI, la data transactionnelle ne sera plus l’apanage des retailers, qui la partageront avec l’assistant concerné (lequel pourra, à son tour, la monétiser auprès des marques qui voudront cibler ces shoppers dans des environnements médias classiques.)
Il faudra bien évidemment voir le degré de confiance qu’ont les consommateurs dans les assistants IA. Mais ils n’ont aucun souci à réaliser des achats directement au sein d’Instagram ou TikTok donc je vois mal pourquoi ils ne le feraient pas chez ChatGPT ou Perplexity. Ce dernier ne s’y est pas trompé, qui a intégré Paypal et Venmo pour gérer le volet transactionnel.
Les retailers seraient aussi, et c’est peut-être plus pernicieux, amputés de leur capacité à connaître les intentions d’achats de leurs consommateurs, puisque cette phase où se fait la décision ne se jouerait plus chez eux mais au sein des assistants. Impossible, dans ces conditions, de vendre des segments “intentionnistes de la catégorie” comme cela se fait beaucoup, on et off-site.
Le seul bastion préservé de la vague agentique serait - du moins tant que les robots ne nous ont pas envahis - l’in-store. Un terrain de jeu que les retailers alimentaires explorent depuis des années (via Mediaperformances notamment) et que leurs homologues de la GSS veulent cracker en 2026. Objectif : diversifier les revenus publicitaires au-delà des formats dépendants de l’e-commerce et sécuriser la monétisation à long terme.
Etendue de la menace que fait peser la vague agentique sur le retail media
Sponsored Product | Display on-site | Extension d'audience | In-store | |
Menace | Énorme | Forte | Modérée | Nulle |
Pourquoi | La phase de recherche se déplace en amont, vers les assistants IA, et les budgets pubs suivent. La baisse du trafic humain entraîne celle de l'inventaire disponible. | L'activité souffrira de la baisse du trafic humain mais sera sans doute moins impactée que le SP. On peut imaginer que les formats continuent d'avoir un rôle mid-funnel | 1° Les assistants, qui partagent les infos de transaction avec le retailer, deviennent de potentiels concurrents sur cette activité 2° Les retailers captent de moins en moins de signaux intentionnistes et voient leur proposition de valeur amoindrie | Du moins tant que les robots IA qui font les courses à nos places ne sont pas une réalité |
Il y a urgence pour les retailers. Les données publiées récemment par Klaviyo montraient que 56% des consommateurs US prévoyaient d’utiliser des assistants d’achat basés sur l’IA pendant le Black Friday cette année.
Une étude d’Accenture, qui a interrogé, début 2025, des utilisateurs d’IA générative quant à leurs sources de découvertes préférées, montrait quant à elle que les assistants IA (18% des réponses) talonnaient le magasin (19% des réponses). Loin devant le site Web des retailers qui, en 7e place, ne récoltait que 10% des réponses…
Alors, comment préparer le raz de marée ? Les retailers auront, a priori, deux options..

Option 1 : ériger des digues
Il y a ceux qui, comme Amazon, pourront ériger des digues contre la vague agentique, bloquant efficacement le crawling de son site par les assistants IA, comme le révélait The Information.
De quoi lui garantir que ses produits ne seront pas visibles dans les interfaces de shopping alimentées par l’IA externes. Dit autrement, si le shopper veut acheter des produits vendus sur Amazon, il doit se rendre sur Amazon.
Le risque, c’est évidemment de perdre des ventes, en se coupant de ce canal business. Mais il est maîtrisé quand on s’appelle Amazon, que l’on détient 40% de part de marché de l’e-commerce et que l’on est devenu un réflexe pour entamer une expérience d’achat.
Amazon, qui a également entamé un bras de fer juridique avec Perplexity, pour empêcher les agents de son navigateur Comet de “shopper” sur son site, est l’un des rares retailers à avoir la taille critique pour assumer une approche aussi agressive et fermée.
Le seul autre exemple de retailer qui pourrait se permettre une telle approche, c’est celui d’un site hyperniche, qui a construit une relation (directe) très forte avec sa communauté et préfère sacrifier l’audience et les ventes que lui procurent les assistants pour se recentrer là-dessus.
Un peu comme un média niche qui abandonnerait le SEO pour se concentrer sur une relation directe avec ses lecteurs, via la newsletter.
Option 2 : Surfer la vague agentique
Walmart, pourtant pas un nain, a fait un autre choix qu’Amazon : surfer la vague. Vous avez sans doute vu l’annonce du partenariat noué avec OpenAI, qui permettra aux clients du géant de la distribution de faire leurs courses directement au sein de ChatGPT, via la fonctionnalité “Instant CheckOut”.
Je pense qu’ils seront nombreux à faire le même choix : celui du pragmatisme. Préserver la croissance du navire amiral (le retail), quitte à sacrifier un peu, le hors-bord, agile et rapide, qu’est le retail media. En prenant évidemment le soin d’ajuster le modèle économique de ce dernier au nouveau paradigme.
Comment concrètement ? Ce patron de régie retailer, rencontré en marge de l’évènement Retail Media Innovators, me disait ne pas exclure qu’à terme, son rôle soit “celui d’une agence qui aide les marques à gagner en visibilité au sein des LLM.”
Ici encore, on peut regarder du côté des médias. Plus particulièrement de Prisma Media et Reworld Media qui, pressentant sans doute l’affaiblissement de leurs revenus publicitaires on-site, ont lancé des offres de GEO, pour aider les marques à optimiser leur visibilité au sein des LLM.
Il est certain que les retailers auront un rôle similaire à jouer, comme je le rappelais dans un article détaillant les réflexions de Backmarket et ManoMano sur le sujet. Leur connaissance du produit, couplée à celle des attentes des consommateurs, peut les y aider. Qu’il s’agisse d’optimiser la perception qu’ont les LLM d’une marque (aider un challenger à travailler sa considération sur ses critères de différenciation, par ex) ou de s’assurer que leurs propres points de vente sont localement bien perçus par les LLM.
On s’approche, ici, d’une logique de GEO local telle qu’elle est développée par des technos comme Minddex.AI, dont la technologie permet à des retailers de détecter les zones géographiques où leur part de voix dans les LLM est inférieure à la moyenne nationale et d’agir en conséquence.
Cela implique, évidemment, de rester à l’affût des lancements de nouvelles fonctionnalités et des partenariats d’écosystèmes que lanceront ChatGPT, Perplexity et cie… Cela implique, aussi, de respecter certains fondamentaux :
1° accueillir à bras ouvert les bots des LLM qui crawlent l’internet (celui d’Open AI répond, par exemple, au doux nom de OAI-SearchBot)
2° optimiser ses flux shoppings pour qu’ils soient repris par les assistants et se pencher sur la mise en place de serveurs MCP et de protocole A2A (agent-to-agent) pour faciliter les communications entre les agents des LLM et les agents des sites e-commerce.
L’enjeu, c’est de rendre son catalogue compatible avec le Generative Engine Optimization (GEO) et lisible par l’IA pour capter la découverte en amont. De structurer les données produits et métadonnées afin d’augmenter ses chances d’être mentionné dans les réponses génératives.
Et, tant qu’à faire, d’en faire un levier de partenariat / monétisation en proposant des dispositifs qui permettent aux marques d’optimiser leur part de voix dans les flux des assistants universels.
C’est, ici, qu’interviendra vraisemblablement le retail media. On en est encore aux balbutiements mais on peut imaginer le développement d’offres freemiums : plus vous payez, plus le retailer s’assure que votre produit a de la visibilité au sein des LLM versus ceux de ses concurrents. Avec une ligne de crête : le respect de l’expérience utilisateur et des attentes du consommateur (il faut tout de même pousser ce qu’il recherche).
Un patron de tech retail media me disait qu’il voyait dans l’essor des LLM un bon levier de développement pour l’extension d’audience, avec le lancement, par les retailers, d’offres permettant aux marques de travailler leur considération auprès des LLM.
C’est, concrètement, utiliser les insights du retailer sur une catégorie de produit ou de consommateurs pour nourrir un dispositif média full-funnel qui influencera la perception des LLM. Des LLM qui, rappelons-le, prennent en compte autant le paid media que l’organique dans leur travail d’indexation. Du moins pour l’instant.
Dans un billet de blog, Michael Greene, head of platform strategy de Criteo, rappelle que “les retailers se sont adaptés à la montée en puissance du D2C et des comparateurs de prix, et qu’ils feront de même avec l’ère agentique.”
La menace est, il est vrai, aussi une opportunité de réinventer la découverte e-commerce. Les agents d’achat natifs des plateformes peuvent transformer les grilles de produits statiques en expériences conversationnelles personnalisées, résolvant la surcharge de choix et renforçant l’engagement.
Les premiers tests montrent une forte dynamique : Amazon (lui encore) teste des offres intégrées avec Rufus. Alors, pourquoi ne pas construire ces assistants IA natifs avec, en tête, une feuille de route de monétisation ?
Concevez-les de façon à ce qu’une fois les usages bien ancrés, vous puissiez intégrer des contenus sponsorisés et des formats “shoppable”. Testez cependant les emplacements afin qu’ils améliorent le parcours d’achat plutôt que de le perturber. Évitez la “chatbot fatigue” en mettant l’accent sur l’utilité, la rapidité et la précision des réponses. Le BA.ba de l’e-commerce non ?
Sans forcément aller au clash avec les LLM, on peut aussi s’attendre à voir pas mal de retailers renforcer leurs programmes de fidélité pour parer au risque de désintermédiation et de commoditisation.
L’objectif, c’est de remettre sa proposition de valeur (ce qui fait la différence aux yeux du consommateur) au cœur d’un tel programme. Il y a, bien sûr, les éléments tangibles (prix, disponibilité, vitesse de livraison) que les assistants IA n’auront aucun mal à jauger mais il y a aussi, et surtout, l’intangible, tout ce qui pousse un consommateur à s’orienter vers une marque plutôt qu’une autre.
Cela peut inclure des expériences exclusives, des avantages personnalisés ou des accès réservés aux membres, créant ainsi une affinité émotionnelle et une différenciation qui dépassent les critères purement rationnels des algorithmes…