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Episode 2 : Ce que l'IA agentique va changer pour les DSP
On n’est, à ce stade, pas encore capable de dire si les agents IA remplaceront vraiment les DSP, comme nous nous posions la question dans l’épisode 1, mais on, a en revanche, une certitude : ils vont venir les “augmenter”.
C’est la croyance d’Open Garden et c’est aussi celle de Raphael Ambit, le fondateur d’Epicflare, qui a accepté d’échanger avec nous dans le cadre du deuxième volet de notre dossier consacré à la révolution agentique dans le marché pub programmatique.
Quiconque a déjà mis les mains dans DV360, Amazon DSP ou The Trade Desk vous le dira : ces outils restent affaire d’initiés, ce qui cantonne leur utilisation à quelques “happy fews” que l’on retrouve dans les pôles trading des principales agences médias.
C’est problématique pour :
1° ces DSP, dont la taille de marché adressable est, de ce fait, très réduite, notamment en comparaison avec des outils mainstreams tels que Google Ads ou Meta Ads (il vous suffit de comparer le nombre de traders avec celui de consultants médias, voire le nombre d’annonceurs qui utilisent les deux plateformes évoquées).
2° les clients de ces DSP, qu’il s’agisse des agences médias ou des pure players du digital, qui ont un vrai sujet RH lorsqu’il s’agit de trouver des personnes capables d’utiliser ces outils (rappelons qu’il faut bien 6 mois à un trader débutant pour être 100% autonome) et qui aimeraient sans doute que plus de leurs collaborateurs mettent les mains dans un DSP.
Il n’est donc pas surprenant, dans ces conditions, que certains d’entre eux aient décidé d’embrasser la révolution agentique.
Vous avez peut-être en tête la démo de Viant AI, un DSP US qui n’est pas présent en France, mais qui a dévoilé un assistant de campagne (encore embryonnaire) il y a quelques mois.
Plus près de nous, on peut citer Displayce et son Campaign AI, un assistant qui a pour mission d’évangéliser au programmatique DOOH (pDOOH) deux populations bien distinctes : les acheteurs DOOH qui n’utilisent pas ou très peu les DSP et les traders “généralistes” qui ne maîtrisent, eux, pas les subtilités du DOOH.
Toutes ces initiatives s’inscrivent dans ce que Raphael Ambit voit comme “une automatisation progressive de la partie opérationnelle liée à la gestion des campagnes”. A date, le cas le plus développé chez les DSP du marché.
1. Automatisation progressive de la partie opérationnelle (aujourd’hui le cas qui va occuper majoritairement le marché)
Cette automatisation concerne des fonctions comme :
- le média planning, c’est-à-dire le choix des environnements médias au sein desquels vous allez diffuser votre campagne
-l’audience planning, c’est-à-dire le choix des segments d’audience à cibler (socio-démo, intentionniste, device…)
- le set-up automatisé des campagnes, soit la conjonction des deux fonctionnalités évoquées à l’instant
“Cette automatisation partielle est déjà amorcée par DV360, qui a annoncé “le déploiement progressif de fonctionnalités prompt based, visant à automatiser la génération de rapports sur demande et la création de packages d'inventaire visant à simplifier le média planning”, observe Raphael Ambit.
Côté Amazon, on a lancé deux fonctionnalités, Performance+ et Brand+, qui, comme l’explique un représentant de la société à AdAge, réduisent de 70 à 4, le nombre de clics nécessaires à un trader pour configurer une stratégie de ciblage dans le DSP. “On est plus sur une solution intégrée, par nature très back-end, qui combine du machine learning et de l'IA, et qui simplifie le flow final”, précise Raphael Ambit.
Comprendre que, contrairement à l’exemple de DV, l’utilisateur n'est pas en contact direct avec l'IA. Il ne l’est pas non plus côté The Trade Desk, ce dernier s'étant jusqu'à présent renforcé sur la solidification des features back-end “AI driven”, afin de réduire la charge opérationnelle, sans que celles-ci aient pris une connotation agentique.
Tous ces exemples témoignent, en tout cas, du processus radical de simplification aujourd’hui à l'œuvre. Même si Raphael Ambit note, qu’à ce stade, aucun DSP ne permet encore une configuration complète, en un clic, à partir d’un simple prompt.
Ou, qu’en d’autres termes, ce que Brian O’Kelley, l’un des fondateurs d’Appnexus et de Scope3, appelle “vibe targeting” n’est pour l’instant qu’un concept théorique.
Peut-être aussi parce que, si pour toutes les raisons évoqués plus haut, ils sont nombreux à appeler ce “choc de simplification” de leurs voeux, la révolution ne doit pas se faire sans garde-fous.
Le premier enjeu, à ce titre, c’est de lui de la transparence et de l’auditabilité des modèles. Le fameux effet “black box” dont le secteur pub souffre tant, depuis des années.
“Les traders voudront impérativement conserver un droit de regard, soit par la capacité à éditer directement les résultats produits par l’agent, soit par un système de re-prompting facilitant la correction ou la révision des choix initiaux effectués par l’agent”, prévient Raphael Ambit.
Ils voudront aussi pouvoir customiser ces agents, durant la phase d’automatisation opérationnelle. “Historiquement, chaque agence développe ses propres méthodologies de trading, impliquant que les agents opérationnels généralistes fournis par les DSP risquent de ne pas suffire totalement à couvrir les particularités métier propres à chaque organisation”, rappelle Raphael Ambit.
L’objectif, c’est de pouvoir s’appuyer sur des agents qui collent aux besoins spécifiques de chaque agence et de chaque trader. Et il y a, dans cette perspective, deux scénarios possibles…
Le premier, le plus probable à court terme selon Raphael Ambit, c’est que les plateformes DSP restent sur une approche généraliste, en laissant aux agences ou aux traders le soin de créer eux-mêmes une surcouche personnalisée d’agents spécialisés.
Une approche qui rappelle l’époque où certains acteurs, comme Tradelab par exemple, développaient leur propre bidder, voire leur propre interface par dessus celle du DSP, afin d'obtenir un avantage compétitif ou répondre à des besoins non couverts par les interfaces standardisées. “On pourrait imaginer une évolution similaire, où chaque acteur développerait son propre agent IA complémentaire”, pense Raphael Ambit.
Le deuxième scénario, qui devrait prendre un peu plus de temps, c’est que les DSP évoluent eux-mêmes vers une offre intégrant une capacité avancée de personnalisation des agents directement proposée aux traders.
“Dans ce cas, chaque utilisateur deviendrait à terme capable de modeler son agent selon ses besoins spécifiques, un peu comme un manager configure et forme son équipe, faisant du trader un gestionnaire d’agents DSP”, estime Raphael Ambit.
Pour que tout cela se mette en place, il faudra évidemment composer avec le sujet de gestion du changement, qui est intrinsèque à toute révolution de ce genre. “Cette automatisation nécessitera une phase d’adaptation et d’acceptation progressive pour les média traders”, prévient Raphael Ambit.
Lequel rappelle que “les traders peuvent avoir des inquiétudes légitime quant à la possibilité de déployer toute leur expertise au travers de systèmes de plus en plus automatisés ou trop simplifiés”. Sans compter que, comme pour tout métier, il faudra composer avec la crainte de certains, d’être à terme remplacés par l’IA.
Il est pourtant important d’embarquer cette population dans la révolution, l’efficacité d’un agent dépendant de sa conception technique mais aussi (et surtout) de la qualité des instructions données par les utilisateurs. Un talent de prompting qui dépendra autant de la connaissance de ces derniers en matière de trading et DSP que de leur capacité à s’approprier l’IA générative.
“Les feedbacks continus des traders permettront aux plateformes d’améliorer progressivement ces agents jusqu'à une automatisation complète de la partie opérationnelle du DSP”, estime Raphael Ambit.
2. Enrichissement et exploitation avancée des datapoints par IA (plutôt à moyen terme)
Un deuxième axe stratégique pour les DSP agentisés réside dans l’amélioration des insights via une collecte agentique de datapoints plus poussée.
“Cela concerne notamment l’analyse très fine des données relatives aux pages médias, sur des KPI comme la viewability ou la brand safety, que les agents pourraient amener à un niveau de précision beaucoup plus abouti, notamment en exploitant leur capacité de raisonnement et leurs fonctionnalités multi modales”, précise Raphael Ambit.
Oui, c’est précisément le discours porté par Scope3, à l’occasion du lancement de sa plateforme “Brand Standards”. L’enjeu majeur résidera, côté DSP, dans leur décision de rendre ou non ces datapoints accessibles aux traders pour analyse ou manipulation directe.
Soit ces datapoints restent intégrés aux algorithmes sans accès direct pour les traders, renforçant l’effet “black box”, mais permettant de maximiser la qualité des optimisations automatiques.
“Soit ces données seront commercialisées sous forme de packages prédéfinis, comme les segments d’audiences ou les deals IDs actuels, donnant aux traders une visibilité générale sans possibilité de manipulation directe de cette nouvelle data”, complète Raphael Ambit.
De quoi rendre des algorithmes, historiquement perçus comme insuffisants par rapport à des optimisations manuelles ou à des solutions propriétaires, encore plus performants. Même si l’enrichissement des data points via une approche agentique accolée au DSP s’accompagnera nécessairement d’un coût élevé, lié aux ressources nécessaires (quantité de crawling très élevée, veille continue des bid requests…).
Revenons maintenant à la question centrale : les agents IA peuvent-ils progressivement remplacer les DSP dans leur format actuel ?
La réponse est oui, principalement sur le volet opérationnel (planning, setup automatisé), et ensuite sur l'amélioration significative des datapoints liés aux médias et aux audiences.
Cette évolution sera probablement complétée, soit par des solutions propriétaires développées par des agences externes, soit par des agents directement personnalisables fournis par les DSP eux-mêmes.
En revanche, l’apparition d’agents pleinement transactionnels reste aujourd’hui hypothétique, bien que séduisante. Si elle doit voir le jour, elle émergera certainement en priorité chez les walled gardens, comme nous le révélions dans l’épisode 1.
De quoi faire craindre que l’Open Web n’accumule encore plus de retard face à des walled gardens qui disposent de ressources et d’une vitesse d’éxécution inégalée sur le sujet IA et agents.