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Pourquoi la politique commerciale de Valiuz sur l'alimentaire crispe les agences médias

Officialisé en grande pompe, il y a un mois, le rapprochement entre Valiuz, l’entité data de l’AFM, et les Mousquetaires, fait aujourd’hui beaucoup parler dans les agences médias. En cause : sa nouvelle politique commerciale sur l’alimentaire (Intermarché, Auchan et ChronoDrive), dévoilée dans la foulée de l’annonce.
Deux points suscitent tout particulièrement des crispations chez les acheteurs interrogés par Open Garden.
Le premier concerne le lancement d’une offre bundle, censée permettre aux marques de bénéficier d’un tarif préférentiel si elles communiquent simultanément chez Intermarché, Auchan et ChronoDrive. Sur le papier, l’idée semble pertinente.
Mais dans les faits, elle s’accompagne d’une forte inflation et d’une contrainte qui fait grincer : la répartition du budget entre les trois enseignes ne sera plus décidée par l’agence ou par la marque, mais par Valiuz. Et cette ventilation ne dépendra pas des parts de marché de la marque… mais de l’inventaire disponible chez chaque retailer.
“On m’enlève l’une de mes prérogatives, celle de recommander le meilleur mix média à mon client - et on le fait, en plus, pour permettre à Valiuz d’optimiser son remplissage”, déplore un acheteur, inquiet de voir cette logique s’imposer.
“On m’a fait comprendre qu’on pourrait m’imposer de mettre 67% chez Intermarché, 30% chez Auchan et 3% chez ChronoDrive, abonde un autre. Le problème, c’est que mon client n’acceptera jamais un tel ratio, vu le poids réel d’Auchan dans ses ventes.”
Les marques qui souhaiteraient s’affranchir de cette logique n’auront pas, non plus, la tâche facile : elles devront s’acquitter d’un supplément de 20% sur le CPM pour pouvoir acheter en stand-alone. Un surcoût qui passe d’autant plus mal que la fusion avec Infinity Advertising, la régie des Mousquetaires, s’accompagne déjà d’une hausse tarifaire.
Compter + 22% pour les formats phares d’Intermarché et Auchan, Diptyque et Sword, désormais baptisés “Shelf Impact” dans l’offre bundle. Ce qui donne, pour le stand-alone, une inflation totale de 44 %. “Comment justifier ça à nos clients alors que les chaînes TV augmentent de 2 ou 3 % ?”, s’étonne un autre acheteur.
Même si le retail media échappe souvent aux négociations du procurement, les annonceurs scrutent désormais les tarifs de près. Nos acheteurs sont unanimes : “les 27 % de parts de marché cumulées d’Intermarché, Auchan et ChronoDrive sur le drive ne suffisent pas à légitimer de telles hausses”.
Ils estiment, par ailleurs, qu’il devient “impossible d’être compétitif côté ROAS à de tels niveaux de prix”. En conséquence, certains prévoient déjà de revoir leurs arbitrages. “Ils prennent le risque d’être dépriorisés dans les budgets”, avance l’un d’entre eux. “On va investir ce qu’on avait prévu, mais pas plus. Et si des budgets tombent en Q4, on ira plutôt chez ConsoRégie ou Unlimitail”, prévient un autre.
Vous l’aurez compris, les réactions sont vives. “Ils nous mettent un peu le couteau sous la gorge, en nous disant que tout se remplit très vite et en pensant qu’on n’échange pas entre nous”, peste un autre. “Je comprends leur volonté de défendre la valeur, ajoute un acheteur, mais pas en prenant les gens en otage… à moins de s’appeler Leclerc !”
Le deuxième sujet de crispation, c’est la fin annoncée du mode self-service pour l’inventaire d’Intermarché. Jusqu’ici, les agences pouvaient piloter directement leurs campagnes “sponsored products” via la techno Octopia. Ce ne sera plus le cas : “On nous a expliqué que, dans un souci d’alignement avec Auchan, Intermarché repassait sur un modèle de managed services”, explique un acheteur.
C’est donc le retard pris par Auchan dans le déploiement d’une plateforme self-service faite-maison (initialement prévue pour le second semestre 2025 mais pas encore concrétisée) qui explique ce retour en arrière. Un retour en arrière qui aura des conséquences financières pour certaines agences médias. “On a doublé nos ROI en passant du managed au self chez Octopia et Carrefour”, témoigne un acheteur qui rappelle que la gestion directe permet de gagner entre 20 et 30 % de productivité et d’améliorer significativement les performances.
Conscient de tout cela, Valiuz, qui n’a pas répondu à notre sollicitation, espère pouvoir rétablir la situation courant 2026 et ainsi proposer du self-service sur tous ses inventaires. Le retailer paie néanmoins une accumulation de “mauvaises nouvelles” qui ne doit pas empêcher les parties concernées de renouer le dialogue, assurent les agences. “Il y aura bien sûr des négociations en one-to-one, mais il faut que Valiuz comprenne que les agences sont alignées sur ce sujet”, conclut un acheteur.