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Retail media : ce qu’en attendent (vraiment) les acheteurs

Qu’est-ce qui enthousiasme le plus les acheteurs médias et qu’est-ce qui, à l’inverse, les frustre le plus ? C’est pour comprendre au mieux les attentes des acheteurs qu’Open Garden a décidé, dans le cadre de son événement Retail Media Innovators, qui se tenait le 5 novembre dernier, de solliciter une dizaine d’entre eux, en agence média, en indépendant et chez les annonceurs.
Cet article est le fruit de cet échange, que nous vous restituons de manière agrégée et anonymisée pour vous donner un bon aperçu des grandes dynamiques.
La tendance qui enthousiasme le plus : la convergence et la maturité du marché
Le mot-clé qui revient le plus, c’est celui de l’intégration. Après des années de déploiement désordonné, le retail media entre dans une phase de convergence où les logiques d’activation, de mesure et de création de valeur s’alignent enfin.
Les acheteurs saluent l’émergence de modèles full-funnel qui décloisonnent progressivement les formats publicitaires onsite, le offsite et (peut–être un jour) le in-store digital.
L’hybridation des canaux ouvre la voie à une vision beaucoup plus stratégique du retail media, désormais conçu comme un véritable levier de marque et de performance et non plus comme un simple prolongement du trade.
La concentration des acteurs est perçue positivement : elle promet davantage de cohérence technologique, de volume de données, et une meilleure capacité d’exécution.
Le buzzword qui fatigue le plus : la “transparence”, toujours promise, jamais livrée
C’est devenu un gimmick, un mot qu’on entend dans chaque présentation commerciale, sans jamais en voir les effets. Les acheteurs dénoncent l’hypocrisie ambiante autour de la transparence, notion utilisée à toutes les sauces, sans traduction concrète dans les faits.
Entre coûts opaques, accès restreint à la donnée et audits impossibles, la promesse d’un écosystème clair et traçable reste parfois lettre morte chez certains retailers, regrette nos acheteurs. La défiance s’installe d’autant plus que les régies continuent d’afficher des marges élevées sans toujours avoir une justification claire.
Pour beaucoup, cette opacité structurelle freine l’investissement et nourrit la suspicion : “tant qu’on ne saura pas où va l’argent, on investira prudemment”. Une opacité qui, les acheteurs médias sont nombreux à le rappeler, est difficilement tenable à l’heure où un Amazon a, lui, décidé d’ouvrir le capot.
La quote qui résume bien la chose :
Le mot transparence tourne à vide. Depuis six ans, il est présenté comme le sujet majeur mais, dans les faits, on a peu d’accès aux données en temps réel, des coûts opaques et peu de capacité d’auditer ce qui est fait.
La plus grande frustration : le grand écart entre discours et réalité opérationnelle
On est un peu dans le prolongement du précédent point puisqu’il s’agit, ici encore, d’un décalage entre les discours et la réalité. Sauf qu’il porte, plus globalement, sur l’efficacité opérationnelle des outils proposés par les retailers.
Le constat est sévère : manque d’autonomie technologique, reportings limités et fenêtres d’attribution floues. Les acheteurs expriment un ras-le-bol face à un écosystème fragmenté où la promesse de mesure et d’efficacité se heurte à des pratiques rigides et (ici encore) souvent opaques.
L’absence de self-service, en particulier dans l’alimentaire, revient comme un véritable leitmotiv. Certains regrettent la période où Criteo structurait largement le marché et en avait fait l’un des piliers de son offre.
D’autres se montrent plus nuancés, rappelant que les annonceurs ne permettent pas aux agences médias de leur facturer le temps passé sur les outils. Dans ce contexte, il est souvent plus confortable pour ces dernières de s’appuyer sur le retailer dans un modèle 100% managed services.
Mais, et c’est là tout le paradoxe, beaucoup dénoncent aussi des environnements où l’agence est cantonnée à un rôle d’exécutant, sans accès réel aux outils ni à la donnée. Il y a un peu de schizophrénie, on est d’accord…
La quote qui résume bien la chose :
On entend encore trop souvent la régie dire qu’elle gère mieux que les agences médias.
Le plus gros frein au développement du marché : l’absence de standards
Sur ce point, le consensus est total : le retail media ne pourra pas passer à l’échelle sans un cadre commun. Les acheteurs réclament une standardisation des KPI, une mesure indépendante et une interopérabilité entre régies.
Aujourd’hui, chaque acteur définit sa propre logique de calcul - ROAS, incrémentalité, visibilité - ce qui rend toute comparaison impossible. À cela s’ajoutent des freins culturels : silos internes, frilosité face à la nouveauté, et manque de profils formés à ces nouveaux modèles hybrides.
Cette absence de “langage commun” empêche le retail media d’être intégré pleinement dans les logiques de media planning global. Résultat : des plans média impossibles à comparer, des performances difficiles à auditer, et des coûts difficilement justifiables auprès des annonceurs. D’autant que le sujet de l’incrémentalité, dont on parle depuis plusieurs années, peine à être cracké.
La quote qui résume bien la chose :
Les retailers n’ont aucun intérêt à ce qu’une mesure de l’incrémentalité fiable voit le jour.
Ce qu’a Amazon que n’ont pas les autres : une architecture technologique intégrée
Amazon reste la référence absolue, non pas seulement pour son volume, mais pour sa maturité technologique. Sa force réside dans une stack intégrée de bout en bout : DSP, AMC, cloud de données, reporting en temps réel.
Cette fluidité crée une expérience utilisateur incomparable pour les acheteurs, qui peuvent activer, mesurer et optimiser depuis un même environnement. C’est d’autant plus vrai depuis le dernier Unboxed, qui s’est tenu après notre échange avec les acheteurs, et a abouti à la fusion de l’interface de la Console Ads et de celle d'Amazon DSP dans un seul outil d’achat média full-funnel.
La plupart des retailers français souffrent un peu de la comparaison, eux qui restent dépendants d’un patchwork de solutions tierces, pas toujours bien intégrées.
La quote qui résume bien la chose :
Amazon a bâti un modèle ouvert et industrialisé : données transactionnelles massives, DSP intégré, reporting disponible pour agences et annonceurs.
La data 1st party des retailers : un atout sous-exploité
Les acheteurs ne contestent pas la valeur stratégique de la donnée retailer. Au contraire, elle est vue comme le principal levier différenciant du retail media. Mais son potentiel reste largement inexploité : bases hétérogènes, manque de fraîcheur, segmentation excessive et coûts prohibitifs pour les activations offsite.
Beaucoup regrettent que les enseignes monétisent avant d’industrialiser, sans réelle stratégie de gouvernance ni transparence sur la qualité des jeux de données. La data first party est donc un diamant brut : prometteur, mais encore mal taillé.
Un diamant qui, espèrent nos acheteurs, sera plus facilement accessible des acheteurs. En cela, un deal comme celui noué entre The Trade Desk et Valiuz, est salué par sa capacité à rendre la data retailer plus liquide.
Une data qui, espère un acheteur, pourra circuler depuis les DSP vers des écosystèmes offline qui se digitalisent, comme le DOOH, l’audio ou la TV segmentée. Et qui sera proposé à un tarif beaucoup plus abordable car pour capter des annonceurs hors captifs, il faudra s’aligner sur les tarifs des autres fournisseurs de datas.
La quote qui résume bien la chose :
La data d’un retailer est deux à trois fois plus chère que celle d’un Amazon, c’est difficilement justifiable.
Les alliances retail media : des promesses qui doivent se concrétiser
Les alliances comme Valiuz+Infinity ou Unlimitail+Coopérative U sont jugées nécessaires, voire salutaires. Elles incarnent une volonté de structurer le marché, de mutualiser la donnée et de créer du scale face à Amazon.
Sur le papier, une très bonne nouvelle donc. Mais pour l’heure, les acheteurs restent prudents : ces regroupements peinent à délivrer une vraie cohérence technologique et une lisibilité commune.
Surtout, ils s’accompagnent d’une inflation que les retailers justifient par leurs parts de marché mais que les acheteurs peinent à comprendre. Le récent tollé provoqué par la nouvelle politique commerciale de Valiuz sur l’alimentaire en est un bon exemple.
Les attentes sont fortes sur la capacité à livrer une offre mesurable, fluide et compétitive. Pour capter des budgets conséquents, il faudra s’ouvrir aux agences, à l’in-store et proposer des solutions réellement centrées client.
La quote qui résume bien la chose :
1 + 1 n’est pas égal à 3 si cela s’accompagne de hausse de prix injustifiées
Retail media vs trade marketing : un équilibre encore instable
Le retail media vit encore sur un héritage trade fort. Beaucoup de budgets viennent de réallocations plutôt que de lignes nouvelles et les logiques de négociation dominent encore, comme nous l’ont confirmé pas mal d’acheteurs.
Mais le glissement s’opère : les directions marketing commencent à reprendre la main, et les acheteurs perçoivent une convergence entre data, media et commerce.
Le défi, désormais, est de construire un pilotage unifié, où les investissements répondent à des objectifs business plutôt qu’à des accords commerciaux. Preuve en est, le retail media commence tout doucement à entrer dans le viseur des cellules procurement des annonceurs.
La quote qui résume bien la chose :
Aujourd’hui, mon enjeu c’est d’augmenter la part de marché du retail media versus d’autres environnements médias digitaux
Le retail media d’ici trois ans : IA, consolidation et commerce agentique
Tous les signaux convergent vers une transformation profonde du secteur autour de trois tendances :
Consolidation des plateformes et rationalisation des technologies
Mesure unifiée on/offline,
Automatisation pilotée par l’IA.
L’arrivée du commerce agentique - où des assistants intelligents anticiperont les besoins consommateurs - redessine déjà la frontière entre retail et media, comme nous vous l’expliquions dans un récent article.
On en est encore aux balbutiements mais nos experts imaginent un univers où l’achat ne sera plus centré sur le produit, mais sur l’usage et le contexte : un marketing d’intention, contextualisé et prédictif.
La quote qui résume bien la chose :
L’IA permettra de passer d’un achat “produit” à un achat par besoin : les agents intelligents anticiperont ces besoins avant même la recherche.