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5 enseignements clés sur le marché pub digitale au S1 2025
Le marché de la publicité digitale a crû de 11% au premier semestre 2025, pour s’établir à 5,911 milliards d’euros, selon l’Observatoire de la publicité digitale du SRI, réalisé par Oliver Wyman, en partenariat avec l’Udecam.
“C’est en deçà de la croissance annuelle de 15% que le marché a connue au cours de ces 10 dernières années”, comme le rappelle Jean-Baptiste Rouet, président de la commission digitale de l’Udecam, mais “cela reste plutôt pas mal pour un secteur de cette envergure”, complète Maïte Dailleau, associée chez Oliver Wyman.
Même s’il convient de noter que c’est la toute première fois que les montants investis au 1er semestre ne sont pas supérieurs à ceux du second semestre de l’année précédente (pas de croissance entre ces deux périodes donc) et que, surtout, cette croissance annuelle cache des réalités bien distinctes, entre des secteurs qui vont très bien (le social, la vidéo) et d’autres qui souffrent (le display classique, le search hors retail, le retail media hors Amazon…).
La CTV aspire les budgets vidéos display (pour capter 49% de ces derniers)
La vidéo dans son ensemble a cru plus vite que les autres formats (+19%) et représente un peu moins d’un tiers du marché total avec 1,7 milliard d’euros de recettes publicitaires. Ce montant se répartit comme suit : 1,092 milliard pour la vidéo sociale, 657 millions d’euros pour la vidéo display (Avod, Bvod, Svod, éditions et info, retail et services).
Au sein de cette dernière catégorie, un device est particulièrement à la fête : la CTV. Un device qui croît de 35%, contre 10% pour le desktop et 17% pour le mobile. Une croissance qui vient confirmer le constat établi par Martin Clamart, directeur délégué digital de MPublicité lors des Cannes Lions : “La CTV aspire tous les budgets.”
La CTV, qui était derrière le mobile au premier semestre 2023, pèse désormais 49% du marché de la vidéo display (contre 38% pour le mobile). L’engouement pour le format s’explique par plusieurs facteurs.
D’abord, les qualités intrinsèques d’un écran, qui est volontiers associé à un contexte premium et brand safe. Mais aussi la profusion de nouvelles offres, qu’il s’agisse d’acteurs issus de la Svod qui se mettent à la pub (comme Netflix, Prime Video ou Disney+) ou d’acteurs de la Bvod qui ont musclé leur jeu (TF1+, M6+, France.tv, My Canal…).
Et puis, peut-être, cette tendance qu’ont les acheteurs médias à s’engouffrer (sans trop se poser de questions) dans les nouvelles hypes (certains parleront de comportements moutonniers ;-))
Une certitude : il faut être présent dans l’environnement CTV pour peser en 2025. Ce qui explique pourquoi les éditeurs non endémiques, qu’il s’agisse du Monde, du Figaro, de Prisma Media ou de Reworld Media y ont tous des projets plus ou moins avancés.
Youtube marque le pas face à la Bvod et la Svod
Oui, l’AVOD (dont au moins 90% des revenus vont à Youtube) connaît à nouveau une croissance à chiffres (+10%). Ce qui, pour un environnement qui a capté près de 314 millions d’euros sur les 6 premiers mois de l’année, est bluffant. D’autant que, comme le rappelle Maïte Dailleau, “Youtube reste la plus grosse régie vidéo de France.”
Mais on est en droit de se demander, comme Jean-Baptiste Rouet, si la plateforme n’atteint pas un plateau. Parce que la croissance ralentit en pourcentage (on passe de +16% en 2024 à +10% au premier semestre 2025). Mais aussi et surtout parce qu’elle s’atténue fortement en valeur.
Si l’on part du principe que Youtube récupère 90% de la croissance de l’Avod, cela nous donne 26 millions de revenus supplémentaires sur le premier semestre. A titre de comparaison, Youtube en avait engrangé 85 millions de plus sur l’année 2024 (je n’ai malheureusement pas la ventilation sur les deux semestres).
Youtube a généré presque deux fois moins de revenus additionnels que la Bvod, qui est à +46 millions d’euros sur la même période, comme l’observe Jean-Baptiste Rouet. Il est à peine au-dessus de la SVOD (une catégorie qui a moins de 3 ans d’existence) de ce point de vue, puisque cette dernière a récupéré 17 millions d’euros supplémentaires.
Jean-Baptiste Rouet, qui observe “une forte décélération de Youtube du côté des agences médias”, y voit le reflet des inquiétudes des annonceurs quant au contexte de diffusion.
Un environnement où, comme je le rappelais dans l’un de mes dossiers consacrés à la CTV, les pubs des géants de l’automobile, de la tech et du luxe côtoient celles de marchands de rêves qui vous vendent des formations à quelques milliers de dollars, pour devenir millionnaire. Et où les contenus éditos premiums (ceux de médias, ceux de producteurs de contenus comme Squeezie) sont noyés dans une masse de contenus UGC à la qualité plus discutable.
Suffisant pour inciter certains annonceurs à trancher dans le vif, à en croire Maïte Dailleau. “On voit de plus en plus d’arbitrages entre Prime Vidéo et Youtube, qui se font au détriment de ce dernier.”
Les forces en présence ont été impactées à l’avenant : puisque la part de marché de l’AVOD est passée de 53 à 48% de la vidéo display, la Bvod est passée de 28 à 30% et la Svod de 9 à 10%.
Le social pèse désormais autant que le search (hors retail)
Le seach classique (j’entends par là les investissements publicitaires associés aux moteurs de recherche) n’est plus le levier publicitaire digital le plus investi en France. On s’attendait à ce que ce levier, qui a pesé pour plus de 55% du marché il y a 10 ans de cela, soit bientôt détrôné.
A défaut de l’être complètement, il doit désormais partager le trône, puisqu’il pèse désormais autant que le social, avec chacun 33% des investissements publicitaires digitaux. La faute à deux facteurs bien distincts…
D’abord une catégorisation de l’Observatoire, qui a décidé de comptabiliser le search retail media (et ses 480 millions d’euros captés au premier semestre 2025) à part. Si on consolide ces deux éléments, le search, dans son ensemble, retrouve son trône, avec 41% de part de marché.
L’autre facteur, c’est le ralentissement inexorable du secteur, observé depuis plusieurs années. C’est la 2e année que le search hors retail ne croît “que” de 8%, quand le social est encore à +15%.
Cela s’explique par le fait que le search se verticalise : Google n’est plus la porte d’entrée unique et des plateformes comme Amazon, Instagram ou TikTok jouent de plus en plus un rôle de moteur de recherche.
Au retail search, il faudra d’ailleurs bientôt ajouter un social search, qui est encore balbutiant, puisque seul TikTok a une offre dédiée (et encore elle est très marginale). Ce qui, à en croire, Maïte Dailleau pourrait inciter l’Observatoire “à revoir sa catégorisation, puisque le search s’invite un peu partout.”
D’autant qu’il faudra aussi rajouter bientôt une brique “LLM Search”, puisqu’il ne fait pas de doute que Google au sein de son AI mode, Perplexity ou Open AI au sein de leurs assistants, vont, tour à tour, déployer des formats sponsorisés, afin de financer (en partie) leurs énormes coûts de structure.
Le retail media croît (enfin pas tout le retail media)
Côté pile, il y a une croissance annuelle de 12%, qui rappelle la vitalité du levier. Il y a notamment un format, le retail search, qui croît de 15%, pour capter 480 millions d’euros. Et puis côté face, il y a des signaux un peu plus alarmants.
D’abord le fait que le display ne croît que de 4% même s’il convient, une fois de plus de rappeler, que l’Observatoire de l’epub ne regarde que le display on-site (le off site étant noyé dans la catégorie display).
Mais aussi, et surtout, le fait que la croissance du retail media cache des réalités très disparates. Dit autrement, il y a Amazon et les autres. “Beaucoup de grosses régies de retailers traditionnels sont flat sur la période”, confie Maïte Dailleau.
Les problèmes sont connus : inventaire on-site qui déborde (et donc plafonne), bassin d’annonceurs qui est limité à une centaine d’acteurs (faute de pouvoir surfer sur la longue traîne d’une activité marketplace), fragmentation de l’écosystème, qui manque de standards. “Le secteur est plus difficile qu’il n’y paraît”, explique un connaisseur.
Une croissance modérée mais résiliente pour le second semestre 2025
Selon les dernières prévisions d’Oliver Wyman, le marché français de la publicité digitale devrait enregistrer une croissance de +11 % au second semestre 2025, un niveau similaire à celui observé au premier semestre 2024.
Ce maintien du rythme de croissance intervient dans un contexte macroéconomique et politique pourtant peu favorable. La Banque de France a revu à la baisse ses projections de croissance du PIB pour 2025 (0,6 % contre 0,9 % initialement), tandis que le climat d'incertitude lié à la situation politique intérieure et aux tensions géopolitiques mondiales continue de peser sur la consommation et les perspectives économiques globales.
De plus, l’année 2024, qui sert de base de comparaison, avait été particulièrement dynamique en raison d'événements exceptionnels comme les Jeux Olympiques et l’Euro de football, qui avaient dopé les investissements média.
Dans ce contexte, on peut considérer que le maintien d’une croissance à deux chiffres est un signal fort de la résilience du marché publicitaire digital.
Plusieurs facteurs contribuent à cette stabilité :
Le réallocation budgétaire en faveur de canaux plus performants ou émergents, avec en tête la CTV, la vidéo en ligne et les plateformes sociales.
Un ralentissement de l’inflation (1,3 % anticipé en 2025 contre 2,3% en 2024 selon la Banque de France), réduisant la pression sur les budgets consommateurs et permettant aux annonceurs de réactiver certains investissements.
L’existence de budgets non consommés au premier semestre 2025, qui pourraient être redéployés sur le second semestre, offrant un effet de rattrapage (comme c’est souvent le cas).
En somme, malgré un environnement économique incertain, les fondamentaux du marché restent solides, soutenus par l’innovation des leviers digitaux et une adaptation agile des stratégies média des annonceurs. Le digital continue ainsi de jouer son rôle de valeur refuge et d’accélérateur de performance dans le mix média.